1988 - Graham Greene, La puissance et la gloire

Puissance et gloire

Acheté ?

Certains romans ancrent en nous une morale, une vérité  avérée ou qui se révélera un cliché. C'est ce qui m'est arrivé avec le roman de Graham Greene, La puissance et la gloire

Comme le roman se trouve en livre de poche dans la bibliothèque de ma chambre d’enfant, j’en conclus que je l’ai acheté : je ne me souviens pas qu’on me l’ait offert. Je ne me souviens pas non plus de l’achat, mais il n’est pas improbable. Enfant et adolescente, quand j’avais un peu d’argent, qu’il fût de l’argent de poche accumulé peu à peu, ou de l’argent gagné par un petit travail, j’aimais acheter trois sortes de choses : une barre chocolatée, un carnet, un livre, plutôt issu de la bibliothèque rose, choisi dans la série du Club des Cinq et surtout de Fantômette. Adolescente, j’achetais peu de livres, sans doute parce que la bibliothèque municipale de S* où nous allions souvent était très bien garnie et me procurait toute satisfaction. Néanmoins, cet achat, La puissance et la gloire

J’avais aimé les romans déjà lus de Graham Greene et le texte en quatrième de couverture attisa ma curiosité. Ce roman-ci, contrairement à La fin d’une liaison ou Le fond du problème évoqués ici, peut être dit catholique ; il raconte l’histoire d’un prêtre au Mexique dans une époque de persécution religieuse (les années 1920). Le prêtre n’est pas exemplaire : il a rompu son vœu de chasteté, et de sobriété également. Honteux, se sachant indigne, il refuse toutefois de fuir les persécutions et continue son devoir de charge d’âmes et d’administration des sacrements. 

Le roman imprima pour toujours dans ma mémoire une vérité restée incontestée, comme une de ces phrases que prononcent vos parents – parfois en passant, sans y mettre aucune intention morale ni pédagogique – et qui vous servent de bréviaire pour la vie. La puissance et la gloire me dit ainsi : la sainteté des sacrements ne doit rien à la sainteté du prêtre qui les donne. En ces temps de catholicisme déclinant, ce bréviaire paraîtra relativement inutile à beaucoup de personnes, mais je le traduirai en termes profanes : la vérité ne doit rien à la moralité de celui qui l’énonce. Il faut s’en souvenir car c’est un tour courant que de discréditer une parole par la critique de la personne, de ses manières, le rappel de son passé peccamineux ; nous répugnons à accueillir une vérité sortie d’une bouche puante. De la bouche des sorcières ne peuvent sortir que des serpents !

Et puisque j’ai commencé ce billet en évoquant mes lectures d’enfance, une autre « vérité » lue à cette époque s’est incrustée en moi. Dans un Fantômette, on m’excusera de ne pouvoir préciser lequel, un personnage dit à peu près ceci : Les paysans se plaignent toujours du temps qu’il fait, de leurs maigres récoltes, de leurs stocks détruits, de leur bétail malade, mais chaque année ils amassent un bon petit pécule. J’eus le sentiment, en lisant cette phrase, que c’était l’auteur qui donnait son opinion et que celle-ci valait ledit pécule. Pourquoi, de la trentaine ou quarantaine de Fantômette lus, retins-je seulement cette phrase ? Parce qu’elle m’avertissait de ne pas trop croire ceux qui gémissent tout le temps ? Si aux informations j’entends un agriculteur se plaindre, cette phrase me revient aussitôt en contrepoint… insinuant le doute dans mon esprit alors même que sa parole peut être légitime. Lecteur, si jamais tu m'entends critiquer un agriculteur qui se plaint sans cesse de ses conditions de vie, ne pense pas que mes paroles sont l'aboutissement d'une réflexion, ni même le résumé d'un article de presse à peine digéré : elles ne sont que réminiscences d'un vieux Fantômette. Surtout ne m'écoute pas !

Commentaires

1. Le vendredi 18 octobre 2013, 15:53 par Ernesto PALSACAPA

"Peccamineux" : alors ça, c'est un mot qu'on emploie trop peu souvent !

2. Le samedi 19 octobre 2013, 13:26 par Véronique Hallereau

C'est qu'on ne lit pas assez les romanciers catholiques !

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