Le maillage des lectures - Mot-clé - WagnerAutobiographie de mes lectures.2022-03-07T20:19:23+01:00Véronique Hallereauurn:md5:6551cf8fc6b6706899240dddee7d97eaDotclear1999 - Arthur Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentationurn:md5:ef81709b80575008ac9c076c5aaaa03d2022-02-18T13:08:00+00:002022-02-18T15:59:38+00:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteMarc BallanfatNietzschePhilosophieThomas MannWagnerYsé Tardan-Masquelier<p><a class="media-link" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/Schopenhauer.jpg"><img alt="" class="media" src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/.Schopenhauer_m.jpg" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" /></a><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Calibri,"sans-serif""><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">Acheté vers l'été 1997, lu deux ans plus tard. </span></span></span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Calibri,"sans-serif""><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">Si je demande à ma mémoire qui me fit connaître Schopenhauer, elle me répond spontanément Thomas Mann : entre les mains d’un des <i><strong><a class="ref-post" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/199-Thomas-Mann%2C-Les-Buddenbrook">Buddenbrook</a></strong> </i>l’écrivain met <i>Le monde comme volonté et comme représentation</i>. Mais la mémoire, comme souvent, construit un lien causal direct là où une atmosphère générale et un faisceau de raisons rendraient compte avec plus de justesse des événements qui me conduisirent à acheter puis à lire le grand philosophe allemand.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:15px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Calibri,"sans-serif""><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">Car le <strong><a class="ref-post" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/pages/Une-oeuvre-en-cours">cahier des lectures</a></strong> s’oppose à cette version : en 1995, année précédant celle de la lecture des <i>Buddenbrook</i>, j’avais déjà lu un petit opuscule de Schopenhauer, <i>L’art d’avoir toujours raison</i>, attirée par le titre qui m’avait fait croire à une sorte de manuel de rhétorique, ce qu’il n’est pas ; avoir été trompée dans mon attente est le seul souvenir que j’en garde. Et le seul livre de Thomas Mann que j’avais alors lu, <i>Tonio Kröger</i>, n’évoquait pas, en tout cas nommément, le philosophe. Fausse piste, donc. </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:15px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Calibri,"sans-serif""><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">Pourtant, quelle vérité me présente la mémoire en insistant sur le nom de Mann et sur les <i>Buddenbrook</i> ? Tout d’abord, ainsi que je le notais dans le<a class="ref-post" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/199-Thomas-Mann%2C-Les-Buddenbrook"> billet</a> sur ce roman, il représente une période de ma vie de lectrice davantage tournée vers la culture germanique. Jusqu’en 1992 environ, je lus beaucoup de littérature russe et d’ouvrages consacrés à l’histoire du communisme ; sans jamais l’assécher totalement, la fin de l’Union soviétique tarit cette source. Trois ans plus tard, l’entrée de ma sœur aînée dans le chœur du festival de Bayreuth m’en découvrit une autre : la famille Wagner – Mann – Nietzsche, trois esprits nourris de Schopenhauer. De plus, Thomas Mann fut celui qui me présenta le plus clairement sa philosophie et sa place dans la culture allemande, dans son œuvre romanesque aussi bien que dans ses essais sur ladite culture et son rapport trouble avec le nazisme (<i>Wagner et son temps</i>, lu en 1997).</span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:15px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Calibri,"sans-serif""><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">En feuilletant le cahier, je note toutefois pendant les mêmes années (1995-1999) des lectures d’autres écrivains influencés par Schopenhauer et le citant : <strong><a class="ref-post" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/1992-1997-Marcel-Proust%2C-A-la-recherche-du-temps-perdu">Proust</a></strong>, que je lisais plus assidûment après l’avoir lu par intermittences, Matzneff (<em>Le Taureau de Phalaris</em>, 1997, <em>Maîtres et complices</em>, 1998) et Cioran (<em>Anthologie du portrait</em> et <em>Cahiers</em>, 1997, <em>La tentation d'exister</em>, 1998). Je n’oublie pas non plus, alors que je lisais régulièrement des suppléments littéraires et Le magazine littéraire, que j’écoutais France Culture, les nombreuses occasions d’entendre le nom de Schopenhauer : je ne néglige pas l’entraînement que peut avoir une telle basse continue à passer à l’acte. Attirée par ce philosophe particulièrement apprécié des écrivains, j’achetai finalement son chef d’œuvre. </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:15px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Calibri,"sans-serif""><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">Je tardai à le lire : au feuilleter je vis qu’une bonne centaine de pages était consacrée à la réfutation d’un Kant dont la pensée m’était inconnue (à l’exception de son <i>prétendu droit de mentir par humanité</i>, lu en 1996, qui m’avait semblé aberrant) ; et la présence, dès les premières pages, de nombreux termes comme « entendement » ou « cognition » me rebuta. Je le laissai sur une étagère environ deux années. L’été 1999, alors que j’avais séjourné en Allemagne près de trois semaines, et que je vois dans mon cahier inscrites la lecture des <i>Pourparlers</i> de Gilles Deleuze, l’<i>Essai sur Wagner</i> de Theodor Adorno et <i>Le nihilisme allemand</i> de Leo Strauss, j’imagine chauffée à blanc par cette succession de savantes lectures (dont la question de la prégnance sur moi sera recouverte d’un voile pudique), je me décidai enfin à l’ouvrir et, ayant parcouru en rapides diagonales sa théorie de la connaissance par laquelle Schopenhauer débute son livre, je lus résolument l’exposé de sa philosophie, enjambant sans remords la réfutation de Kant. </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:15px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Calibri,"sans-serif""><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">Je fus soulagée de le comprendre finalement assez bien, et mise en joie par quelques attaques personnelles contre Hegel (collègue d’université qui avait du succès, lui), dont la mauvaise foi avait passé intacte le tamis de l’écrit et du temps.</span></span></span> <span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">L’exposé était convaincant : quand il décrit, pour établir le règne universel de la souffrance, le cycle immuable des prédations, des destructions, on ne peut qu’acquiescer avec lui, la vie est une chose atroce !, tant sont expressives ses lamentations sur les êtres vivants joués par une force inexorable. Je me souviens de très belles pages sur l’art, en particulier sur la musique, qui accorde un « répit », la suspension pour un temps de l’éternel désir, par la contemplation de ce qui est l’expression même de la volonté. Il me paraît difficile de ne pas être sensible à ce que la pensée de Schopenhauer a de profondément existentiel, d’enraciné dans une expérience intime du monde. </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:15px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Calibri,"sans-serif""><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">Je pris quelques phrases en citation et soulignai maints passages, ainsi que j’éprouve le besoin de le faire quand je lis un livre d’idées. J’ai eu un temps l’illusion qu’en procédant ainsi, le temps passé, il suffirait de relire les passages soulignés pour retrouver la quintessence de la pensée de l’auteur, sans avoir à me replonger entièrement dans l’œuvre. L’expérience m’a montré qu’il n’en était rien : en lisant – il est vrai parfois au hasard – les passages soulignés, il est rare que je comprenne vraiment de quoi il est question ! Le soulignement ne se comprend vraiment que dans le contexte de la lecture. C’est sans doute une manière, en marquant les étapes que je juge importantes de la réflexion de l’auteur, de m’aider à la suivre et à la retenir sur le moment, et en indiquant d’autres séparations dans le texte que celles prévues par lui, d’opérer une première synthèse personnelle de sa pensée. Certains soulignements, fort subjectifs, n’ont un sens que le temps de cette lecture ; une seconde, des années plus tard, et l’on se demande pourquoi telle phrase avait méritée à nos yeux d’être mise en valeur… </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:15px"><span style="font-size:9.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">Je ne l’ai jamais relu, mais continue volontiers à lire ou à écouter des émissions sur cet ouvrage qui m’a marquée. Je me sens appartenir au catholicisme, suis attachée à l’Incarnation, à la rencontre de l’Autre ; mais, et de manière contradictoire, la négation chez Schopenhauer de l’individu, son insistance sur l’unité impersonnelle du vivant, me touchent. Et il y a dans mon intérêt actuel pour le yoga (Ysé Tardan-Masquelier, <i>L’esprit du yoga</i>, lu en 2020) et la pensée indienne (Marc Ballanfat, <i>I</i></span></span></span></span><i><span style="font-size:9.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">ntroduction aux philosophies de l’Inde</span></span></span></span></i><span style="font-size:9.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">, lu juste après), autant qu’un lieu commun d’époque, un écho de ma lointaine lecture du <i>Monde comme volonté et comme représentation. </i></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:15px"> </p>http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/1999-Arthur-Schopenhauer%2C-Le-monde-comme-volont%C3%A9-et-comme-repr%C3%A9sentation#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/951996 - Thomas Mann, Les Buddenbrookurn:md5:e5efe6b6d42dcb444ce480b3436a5bed2014-06-18T15:41:00+02:002021-03-26T16:01:42+01:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteChateaubriandLittérature germaniqueNietzscheProustSchopenhauerThomas MannWagner<p><img title="Buddenbrook" style="margin: 0 1em 1em 0; float: left;" alt="Buddenbrook" src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/Buddenbrook.png" /><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">Acheté, lu aussitôt ?</span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;">Thomas Mann ou comment un événement familial me fit lire une histoire de famille, qui me fit réfléchir à la mienne et entrer dans une famille spirituelle. </span></p> <p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">A
regarder <a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/pages/Une-oeuvre-en-cours">le cahier des lectures</a>, je constate quatre lectures rapprochées de Thomas Mann en 1995 et 1996 : <em>Tonio Kröger</em>, <em>La mort à Venise,</em> <em>La montagne magique et Les Buddenbrook</em>. Le</span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;"> soudain
intérêt pour l'écrivain, bien que jusqu'alors j'eusse très peu lu de
littérature germanique, coïncida avec un événement qui eut un retentissement
sur la vie familiale. Ma sœur aînée, qui suivait des études d'art lyrique, fut
engagée à partir de 1995 dans le chœur du festival de Bayreuth. Les compositeurs d'opéra en faveur dans ma famille, Mozart, Puccini, Verdi, furent mis en retrait pendant un temps et
Wagner, que jusqu'alors nous n'écoutions pas, régna. L'été 1995, mes parents allèrent à Bayreuth grâce aux places que tout travailleur du festival se voit
octroyer pour la semaine des générales. L'été suivant, je les accompagnai et
fit ainsi un premier voyage en Allemagne. C'est donc par ma sœur aînée que je
m’éveillai à la culture allemande, et c'est dans sa chambre que je
trouvai </span><em style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;">La montagne magique</em><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;"> qu'elle avait aimé. Il me semble qu'elle avait
aussi </span><em style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;">Tonio Kröger</em><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;"> </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">où je retrouvai la figure de Wagner et </span><span style="font-size: 9pt; color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">qui me fit une forte impression, puis j'achetai </span><em style="font-size: 9pt; color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">Les Buddenbrook</em><span style="font-size: 9pt; color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">, peut-être conseillée par ma sœur. </span></p>
<p>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;"><em>Les
Buddenbrook </em>est l'histoire d'une famille de riches marchands de Lübeck du XIXème siècle, histoire racontée dans son moment de déclin, dont Mann rend perceptible la lente marche à travers notamment le personnage
de Tony auquel je fus très sensible. Tony est au début du roman la jeune fille
gaie, spontanée, à qui la vie promet beaucoup et notamment un beau mariage.
Elle en fera deux, avec des prétendants choisis par la raison familiale et
financière ; mariages malheureux, y compris financièrement !, à
l’issu desquels elle rentre à la maison. Il semble qu’elle ait peu appris de la
vie car la double divorcée ressemble, plus qu’à une femme mûrie par
l’expérience, à une jeune fille défraîchie, qui ne reprend quelque vigueur que
pour défendre une réforme de l’université... Pour le lecteur, cette « réforme de l’université » est un leitmotiv wagnérien qui renvoie au début du roman : elle était défendue par un
étudiant dont Tony fut amoureuse un été et qui représenta une possibilité de
bonheur. Par cette défense fougueuse de la réforme de l’université, qui revient
plusieurs fois, le souvenir de cet amour affleure tout au long du roman, tout
au long de sa vie. J’admirai cette manière subtile de Mann, son effet comique et
pathétique, déchirant même, car elle montre la défaite d’un personnage, défaite
d’autant plus totale qu’elle n’est pas consciente. Tony ne semble pas
comprendre le sens de cette émotion qui la soulève à l’évocation de
l’université ou elle n'en tire aucune conclusion… Par le mécanisme de ce retour, Mann nous fait
aussi ressentir le temps qui passe : la réforme
de l’université, sujet politique brûlant ce lointain été, cinquante ans plus
tard est caduque. Quand le temps ne mûrit pas mais défraîchit les jeunes filles, qu'on veut le « clouer au passé », c'est un signe tangible de
déclin. Ces thèmes me touchent particulièrement et dans mon esprit, <em>Les Buddenbrook</em> se relie à <em><a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/1992-1997-Marcel-Proust%2C-A-la-recherche-du-temps-perdu"><strong>A la recherche du temps perdu</strong></a></em>, que je
lus ces mêmes années (<em>La
Prisonnière</em>, peu de temps après) et aux <em>Mémoires d'outre-tombe</em> (lus en 2004) d'où j'ai repris la belle métaphore du clou. </span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">Un autre point m’intéressa pendant ma lecture : les
rapprochements que je pouvais faire entre la famille des Buddenbrook et la
mienne, toutes ascendances confondues mais principalement la paternelle. Certes, ma famille paternelle n’était
pas la riche famille, quasi patricienne, de Lübeck ; c’était néanmoins une
famille aisée qui, à la fin du XIXème siècle, avait prospéré
dans le commerce de la boucherie. C’était une famille où l’on
reprenait l’entreprise en héritage même si, comme Thomas Buddenbrook, l’on n’en avait aucun désir
personnel ; où une génération dut se résoudre à
accompagner la fin d’une affaire familiale parce que le monde économique avait
changé ; où l’accession aux études longues, à une plus grande culture,
suscita des vocations artistiques : sans échouer lamentablement comme pour Christian Buddenbrook, elles ne se réalisaient pas
conformément aux rêves qui les avaient fait naître… </span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">La comparaison de ma
famille avec celle des Buddenbrook correspondait à une époque de ma vie, les
études, où je m’interrogeais sur mon avenir et sur les exemples familiaux. <em>Les Buddenbrook </em>me tendait un miroir. Je voulais écrire, mais serais-je digne de la littérature ? Si l'identification avec une figure d'écrivain fut plus vive avec <em>Tonio Krüger</em> et le <em><a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/1995-Ana%C3%AFs-Nin%2C-Journal"><strong>Journal</strong></a></em> d'Anaïs Nin lus l'année précédente, je me demandais si j'étais un Hanno en puissance, le véritable artiste de la famille, ou un dilettante de plus, un Christian, Christian, l’horrible repoussoir… qui contrefait
l’artiste sans rien produire. Je notai dans mon journal cette phrase de Thomas
à son frère : « Tu ne comprends pas, malheureux, que toutes
ces misères sont la suite et le produit de tes vices, de ton
oisiveté, de ta manie de t'observer toi-même ? Travaille !
Cesse de soigner et de cultiver tes états d'âme, et d'en
parler… » C'était des mots que mon père prononçait. A l'époque, j'avais tendance, comme Christian, à mélanger l'art, l'oisiveté et l'observation de soi, et à les opposer au monde du travail, comme si l'art ne demandait lui aucun effort...</span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">Thomas
Buddenbrook est la seule personne de la famille consciente de son déclin, la seule qui réfléchisse. Mann lui met dans les mains <em>Le monde comme
volonté et comme représentation</em> de Schopenhauer. Hanno en appliquera la philosophie : unique descendant, il renonce au vouloir-vivre et à perpétuer la famille. Mon absence de volonté d'enfant était confortée. Mann, Wagner, bientôt Nietzsche, je rentrais pour quelques années dans une famille spirituelle dont le fondateur était Schopenhauer, que je lirais trois ans plus tard.</span></p>http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/199-Thomas-Mann%2C-Les-Buddenbrook#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/32