Le maillage des lectures - Mot-clé - Philippe SollersAutobiographie de mes lectures.2022-03-07T20:19:23+01:00Véronique Hallereauurn:md5:6551cf8fc6b6706899240dddee7d97eaDotclear1998 - Louis-Ferdinand Céline, Bagatelles pour un massacreurn:md5:598f670f2f7ded20196200c9df49dc5a2016-04-19T10:06:00+02:002021-03-26T12:47:31+01:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteCélineGideLittérature politiquePhilippe SollersPierre Guyotat<p><br /><img title="Bagatelles" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" alt="Bagatelles" src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/.Bagatelles_s.jpg" <="" span="" /><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Acheté, lu aussitôt, et revendu.</span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Je
n'aime pas qu'on m'offre des livres ou qu'on tente de me convaincre
qu'il faut absolument lire tel ouvrage ; à l'inverse, il suffit
qu'on m'en déconseille un avec des arguments moraux ou
politiques pour que ma curiosité soit éveillée et
que j'y aille voir de plus près. L'avertissement peut venir d'un
inconnu dans une librairie qui, me voyant feuilleter un roman de <strong><a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2004-Pierre-Guyotat%2C-Eden-Eden-Eden">Pierre
Guyotat</a></strong>, <em>Tombeau pour 500 000 soldats</em>,
m'objurgua de ne surtout pas le lire, ou d'intellectuels dans les
médias prévenant contre les écrivains peuplant
l'Enfer contemporain : les proto-nazis (Spengler), les fascistes
(Julius Evola), les antisémites (Céline). Ajoutons les
pédophiles (Matzneff) et le tableau sera complet.</span></p> <span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Pour Céline, cependant, ce fut l'inverse. </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Je
connaissais l'existence de ses pamphlets antisémites mais, comme ils n'étaient pas
aisément disponibles, il fallait vraiment avoir envie de les lire pour
en trouver un exemplaire, et malgré leur halo sulfureux je n'avais pas cette envie.</span> Jusqu'alors</span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">, j'avais lu ses romans les plus célèbres, <em>Voyage au bout de la nuit</em> en 1991 et <em>Mort à crédit</em> en 1998.
C'est cette même année, il me semble, que je fus incitée </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">par l'écrivain Philippe Sollers </span>à lire les pamphlets. Il invitait les auditeurs de l'émission <em>Répliques</em> à le faire, car
nulle part ailleurs que dans Céline on ne prenait autant conscience du caractère
passionnel et de l'imbécillité de l'antisémitisme.</span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"> Une
personne qui m'était chère tenait en ce temps-là
des propos antisémites ; ses propos se prétendaient
rationnels, fondés sur des expériences vécues et
un savoir étayé. La virulence avec laquelle les arguments
étaient assénés m'avertissait que, sous le manteau
de la rationalité, couvaient des
sentiments profonds, et m'invitait à la méfiance. Mais je
n'arrivais pas à le lui faire entendre, et restais
impressionnée par des arguments que je n'arrivais pas à
défaire. Ainsi, attirée aussi bien pour une raison noble </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51);"><span style="font-family: Cambria;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">–</span></span></span></span></span> comprendre les ressorts de l'antisémitisme </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51);"><span style="font-family: Cambria;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">–</span></span></span></span></span> que pour une
moins noble mais bien compréhensible </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51);"><span style="font-family: Cambria;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">–</span></span></span></span></span> goûter le fruit
défendu </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51);"><span style="font-family: Cambria;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">–</span></span></span></span></span> , j'allai un dimanche matin au marché du livre
du parc Georges Brassens. Je trouvai à la vente des exemplaires
originaux de <em>Bagatelles pour un massacre </em>et de<em> L'école des cadavres </em>pour
respectivement 700F et 1200F (je retrouve les détails dans mon
journal), fortes sommes qui s'expliquent par l'interdiction de réédition prononcée par la veuve
de l'écrivain. J'hésitai
longuement, mais cet été-là, j'avais un CDD bien
payé, et la curiosité l'emporta : je choisis tout de
même le premier pour son prix inférieur et le libraire me
le laissa à 600F, somme alors plus importante que les 90€ qui les
équivalent nominalement aujourd'hui. </span>
<br /><br /><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Je notai dans mon journal que je lisais au même moment <em>Mort à crédit </em>: je retrouvais le style, la même
tonitruance
désespérée ; et la lecture en était souvent drôle. Il y avait dans le pamphlet au moins un récit qui aurait pu faire partie du roman, un épisode comique qui se passe au siège de la Société des Nations. Céline met en
scène une complicité entre le personnage de Ferdinand
et un bureaucrate juif pour lequel il travaille. En effet, le juif
ne lui cache pas qu'il détient la réalité du
pouvoir, et lui montre sa méthode pour faire passer les
décisions qu'il souhaite prises. Quand les responsables se
réunissent, il attend qu'ils se soient épuisés en
fatuités et vaines discussions et, au moment où la
réunion doit finalement aboutir et des décisions être prises,
glisse un papier où il a noté ce qu'il fallait
faire. Tout heureux de pouvoir sauver la face, les responsables votent le programme inscrit par le juif... Ces pages résument
l'antisémite : la redoutable ruse qu'il
prête aux juifs s'accompagne d'un mépris total pour les
non-juifs, des imbéciles qui, finalement, méritent
d'être pris au piège. On sent chez lui la jouissance de se poser en
tiers, témoin, voire complice, de la manipulation, reconnu </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">par le
juif qui le fascine</span> comme un égal. <br />Le récit est très bon, et si le pamphlet n'avait compté que des récits de ce style, il aurait été d'une grande efficacité... mais il eût fallut que Céline se maîtrisât. Or le reste est plein d'imprécations et d'insultes, </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">de "youtres" et de "youpins", </span>qui
reprennent à la puissance dix les clichés antisémites, les juifs maîtres du monde, les capitalistes à Wall Street, les internationalistes à Moscou. Ecrivain, il dénonce l'esprit enjuivé des lettres françaises et s'attaque à Proust </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51);"><span style="font-family: Cambria;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">–</span></span></span></span></span>
encore une fois, l'égal qui fascine. Je reconnus la vérité de ce
qu'avait dit Sollers, les imprécations céliniennes balayaient la façade
rationaliste des discours antisémites et révélaient leur nature
obsessionnelle : il était impossible pour Céline de se maîtriser. Je défis quiconque d'être convaincu par une telle lecture !<br /><br />Les seules autres pages littéraires émergeant du pamphlet et
dans mon souvenir sont le récit d'un séjour de Céline à Léningrad,
entrepris au début des années trente. On cite souvent le <em>Retour d'URSS </em>de
Gide comme exemple d'un récit d'écrivain lucide sur l'Union soviétique,
mais ces pages de Céline sont supérieures (je l'écris sans avoir lu le
Gide). Supérieures littérairement : j'ai encore en tête l'image de son
arrivée par bateau sur la Néva en pleine débâcle entre les quais de la
ville, tableau presque aussi marquant que celui de son arrivée à New
York dans <em>Voyage au bout de la nuit</em>.
Et supérieures par leur vérité : contrairement à Gide, il n'a personne à épargner, aussi fait-il le récit sincère de ses visites dans la ville, accompagné d'une traductrice
dont il comprend tout de suite qu'elle est chargée de le surveiller
pour la police politique. Il voit la misère, il sent l'atmosphère de peur, et il l'écrit. J'aimerais que ce récit
fasse l'objet d'une édition séparée car il le mérite.</span>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><br /><br />Je fus contente d'avoir lu <em>Bagatelles pour un massacre </em>mais
ne souhaitai pas le conserver dans ma bibliothèque. Je le revendis à un
bouquiniste qui, après avoir vérifié son authenticité, m'en proposa le
prix auquel je l'avais payé. La transaction se fit toute en discrétion
et espèces. <br /><br /></span>http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/1998-Louis-Ferdinand-C%C3%A9line%2C-Bagatelles-pour-un-massacre#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/75