Le maillage des lectures - Mot-clé - Georges NivatAutobiographie de mes lectures.2022-03-07T20:19:23+01:00Véronique Hallereauurn:md5:6551cf8fc6b6706899240dddee7d97eaDotclear2004 - Pierre Guyotat, Eden, Eden, Edenurn:md5:ea3d169e7b795b24a861f58bcb2b67e52016-05-12T12:31:00+02:002021-03-26T12:45:13+01:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteAndreï PlatonovClaude SimonGeorges NivatLectures interrompuesLittérature françaisePierre GuyotatProust<p><a title="Eden" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/.Eden_s.jpg"><img title="Eden" style="margin: 0 1em 1em 0; float: left;" alt="Eden" src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/.Eden_s.jpg" /></a><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Emprunté à la bibliothèque, lu partiellement.</span></p>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Cette
lecture ne fut pas notée dans le cahier car je ne lus qu'une
cinquantaine de pages du récit. Je considérais, en effet,
que je ne pouvais compter comme lu qu'un livre dont j'avais
tourné toutes les pages ; et longtemps je m'obligeai à
terminer tout livre commencé, même s'il ne me plaisait
pas. Je me sens maintenant plus libre d'abandonner une lecture si je
constate que l'œuvre est mauvaise, que je n'accroche pas du tout à l'œuvre, ou que j'en suis vite rassasiée comme ce fut le cas pour <em>Eden, Eden, Eden.</em>
</span> <p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">J'empruntai
ce livre par curiosité, parce qu'un jour dans la librairie
Gibert Joseph du boulevard Saint-Michel où j'aimais
flâner, un homme âgé, me voyant feuilleter <em>Tombeau pour 500 000 soldats</em>
du même Pierre Guyotat, m'objurgua, d'une voix aux accents
suppliants, de ne surtout pas lire ce livre, ajoutant avant de
s'éloigner que personne ne devait lire ça et encore moins
une jeune femme. Je ne sais combien de temps exactement s'écoula
mais quand je vis le nom de l'écrivain à la
bibliothèque du centre culturel français de Moscou, la
demande de l'inconnu me fit tendre la main vers l'un de ses livres ; ce ne fut toutefois
pas le<em> Tombeau pour 500 000 soldats</em> mais <em>Eden, Eden, Eden</em> que je pris, comme pour accéder, très symboliquement, à la
demande car il n'aurait certainement pas approuvé ce choix ! </span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Le deuxième ouvrage a été
censuré comme le premier malgré, expliquait la
quatrième de couverture, le nom des préfaciers, Leiris, Barthes et Sollers. (Je lis sur
l'internet qu'il a été interdit à l'affichage et
aux mineurs une dizaine d'années, jusqu'en 1981.) Les deux ont pour cadre la guerre d'Algérie, que l'auteur fit et
pendant laquelle il fut emprisonné quelques mois entre autres
pour "atteinte au moral de l'armée". Ce n'était donc pas
une lecture pour les soldats non plus ! Il ne s'agit pas de pamphlets
pourtant, et dans mon souvenir, rien n'était dit sur les
événements en eux-mêmes. Leur
réalisme à longue focale écrasait toute
perspective,
ne scrutant des personnages et de leurs actions que le corps, sa peau,
ses nerfs et ses productions. Je ne pourrais donner aucun
résumé d'<em>Eden, Eden, Eden</em> : je ne suis même pas sûre qu'il y
eût des noms. Je me souviens de la fournaise d'une zone, de sa
crasse, de blessures, de baise et de matières en tout genre, le
tout charrié par une prose lyrique, qui ne
manquait pas de beautés ni de souffle, ce qui me permit de
suivre pendant quelques dizaines de pages, avant définitivement
de m'embourber.
Il ne semblait pas qu'aller plus loin dans l'œuvre apportât autre chose que la répétition : j'avais goûté, cela me suffisait.
Je ne me souviens précisément que d'une
expression, qui désigner le sexe de l'homme : "l'amas sexuel".
La métaphore de l'amas, le tas de chair qu'elle évoque,
donne une idée du style de Guyotat, son matérialisme lyrique.
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><br /><br />Ce matérialisme lyrique me rappela alors, et aujourd'hui encore, le style de l'écrivain
soviétique Andreï Platonov, auteur notamment de <em>Tchevengour</em>, lu en 2000. Le slaviste Georges Nivat trouva la bonne expression à son sujet, parlant de "pâte langagière" (lue en 2001 dans son recueil d'études <em>Russie-Europe, la fin d'un schisme</em>). J'avais la même sensation de devoir marcher dans de la vase, qu'à chaque pas je devais lutter contre l'abandon de la lecture. Au moins chez Platonov étais-je en empathie avec les personnages, utopistes en quête d'un paradis sur terre qui s'embourbaient aussi bien que moi ; les êtres qui peuplent la prose de Guyotat, eux, m'étaient plus étrangers qui dans la douleur et la boue jouissent. <br /><br />Sans qu'il y ait cette correspondance entre le style et le thème, d'autres textes m'ont procuré une sensation identique d'entrer dans un monde compact, où les phrases s'épaississent ainsi que des cloisons et où le sens se cherche avec tant d'effort que le plaisir est absent. Certains démentent leurs titres prometteurs de légèreté : je pense à <em>L'Herbe </em>et au<em> Vent</em> de Claude Simon, lus en 2006, qui à la longue m'étouffèrent. Je suppose que <strong><a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/1992-1997-Marcel-Proust%2C-A-la-recherche-du-temps-perdu">Proust</a></strong> pourrait être rangé parmi ces auteurs dont l'accès à l'</span></span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">œ</span>uvre doit être forcé. Il est vrai que je mis du temps à apprécier Proust. Mais on trouve chez lui une lumière qui aide le lecteur à trouver son chemin : l'humour, dont sont dépourvus les autres écrivains. Outre que Proust invente des personnages aussi mémorables que ceux de Balzac, il les fait jouer dans une comédie sociale où le décalage entre les convenances et le désir, le moi et le paraître, est subtilement rehaussé dans les discours. La prose de Proust n'est pas univoque, elle intègre bien d'autres voix. C'est sans doute ce qui me gêna le plus dans Guyotat ou Simon, être immergée trop longuement dans le flux d'une voix unique. J'aurais été plus réceptive s'ils avaient écrits dans de petits formats.<br />
</span></span></p>http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2004-Pierre-Guyotat%2C-Eden-Eden-Eden#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/76