Le maillage des lectures - Mot-clé - BHLAutobiographie de mes lectures.2022-03-07T20:19:23+01:00Véronique Hallereauurn:md5:6551cf8fc6b6706899240dddee7d97eaDotclear1996 - Bernard-Henri Lévy, La Barbarie à visage humainurn:md5:655a0d654ef797184a72ebbf71ec8c9c2014-11-23T17:48:00+01:002021-12-10T10:15:42+01:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteBHLClaude LefortEssaiGlucksmannSoljénitsyne<p><a title="Barbarie" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/Barbarie.jpg"><img title="Barbarie" style="margin: 0 1em 1em 0; float: left;" alt="Barbarie" src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/Barbarie.jpg" /></a><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">Emprunté à la bibliothèque.</span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">Dans
le billet sur <a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/1987-Alexandre-Solj%C3%A9nitsyne%2C-Une-journ%C3%A9e-d-Ivan-Denissovitch"><em style="mso-bidi-font-style: normal;"><strong>Une journée d’Ivan
Denissovitch</strong></em></a>, j’ai écrit que la lecture de Soljénitsyne m’avait ouvert
toute la littérature russe ainsi que l’histoire du XXème siècle à travers le
prisme du totalitarisme. Elle a aussi eu pour conséquence, et merci bien, de me
faire lire un livre de Bernard-Henri Lévy.</span></p> <p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">Etudiante en maîtrise d'histoire, je menai une <a title="Soljenitsyne_et_les_medias" href="http://vhallereau.net/memoire.html" hreflang="fr"><strong>recherche</strong></a> sur la médiatisation de Soljénitsyne à la télévision française pendant la période de son exil en Occident entre 1974 et 1994. A cette époque (je commençai ce travail fin 1995), les sujets d'"histoire du temps présent" centrés sur les représentations sociales et médiatiques étaient tendance, et les professeurs nous encourageaient, avec l'appui de l'INA, à travailler sur les archives audiovisuelles. Consacrant un chapitre à une possible influence directe de Soljénitsyne sur des penseurs français, je tombai inévitablement sur le duo des philosophes nouveaux, André Glucksmann et Bernard-Henri Lévy, qui un soir de 1977 à l'émission littéraire "Apostrophes" vinrent lutter contre le marxisme en brandissant </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">–</span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;"> entre autres </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">–</span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;"> l'étendard de <em><strong><a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/1988-Alexandre-Solj%C3%A9nitsyne%2C-L-archipel-du-Goulag">L'archipel du Goulag</a></strong></em> </span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">Devant lire ces deux ouvrages vingt ans après leur publication, je fis une expérience temporelle saisissante : lire les débats sur la nature réelle du stalinisme et sa filiation avec le léninisme ou sur la pertinence de la proposition althussérienne, me fut aussi exotique que si j'avais lu d'antiques querelles théologiques sur le fait de savoir si, dans la Sainte Trinité, le Saint-Esprit procédait du Fils aussi bien que du Père. Venant de la droite catholique anticommuniste, pour qui <em>L'archipel du Goulag</em> avait confirmé ce qu'elle savait depuis longtemps sur l'Union soviétique, j'entendais dans les argumentations d'un Glucksmann plus un ferraillement qu'une passe d'armes percutante. Mais ce n'était pas seulement une question de point de vue politique. En 1996, l'URSS n'existait plus depuis cinq ans, les "blocs" avaient disparu des représentations du monde et les études marxistes étaient délaissées. Peu d'années avaient englouti des auteurs, des concepts, des références, tout un langage enfin qui ne parlait plus à personne et dont le lien déjà ténu avec la réalité s'était défait. </span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">Leurs livres étaient toutefois très différents. Pour utiliser une image culinaire suggérée par son titre, celui de Glucksmann est un aligot, substantiel et indigeste, où surnage une question intéressante, celle du rapport entre une théorie philosophico-politique et un régime politique revendiquant la mise en pratique de cette théorie. L'échec du second invalide-t-il la première ? C'était la conclusion de Glucksmann et la mienne à l'époque ; aujourd'hui il me semble qu'il n'y a pas de réponse simple à cette question, que je me pose toujours.</span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">Celui de Lévy s'est révélé un soufflé insipide, ratatiné au premier coup de fourchette. Je suis incapable de trouver ne serait-ce qu'une trace de son idée directrice autre que communisme = le Mal. Il y parle beaucoup du diable, sous tous ses aspects et en majuscules : le Mal, la Bête, le Prince de ce Monde, etc. Soljénitsyne a droit à tout un chapitre, mais à part qu'il est allé en Enfer (ce que démentirait l'intéressé pour qui l'enfer était la Kolyma qu'il n'a pas connue) et qu'il est le Dante de notre Temps </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">–</span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;"> hyperbole peu pertinente qui tentait de rattraper le coup trois ans après avoir traité l'écrivain de singe à la publication de <em>L'archipel </em></span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">–</span><span style="font-size: 9pt; color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;"> je n'en ai rien retenu. Le ton était celui que nous lui connaissons depuis lors, grandiloquent, clamé sans nuances. </span></p>
<p><span style="font-size: 9pt; color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">Il y a peu de temps, la preuve que Lévy utilise la politique, l'histoire, la philosophie et la littérature pour servir une seule cause, son égo, m'a été servie par lui-même. La couverture du livre disait déjà tout à ce propos, mais le fait d'aller voir sa pièce </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;"><em>Hôtel Europe </em>(j</span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;">e passe sur mes motivations) m'a ouvert les yeux sur la fonction de </span><em style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;">La Barbarie à visage humain.</em><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;"> Rien ou presque n'a changé en trente-cinq ans, le style, le fond </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">–</span><span style="font-size: 9pt; color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;"> si ce n'est qu'il a ajouté des blagues libidineuses : il est vrai que, quand on peut agir moins, on verbalise. Sa lecture du présent est tout aussi manichéenne, et il continue à vitupérer le Fascisme, autre nom de la Bête. Les formes politiques actualisées, les fascistes du jour sont Marine Le Pen, les banquiers allemands, et Poutine en Emmanuel Goldstein de la pièce (l'ennemi à haïr dans </span><em style="font-size: 9pt; color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">1984</em><span style="font-size: 9pt; color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">). Quant aux gentilles victimes à secourir, pour les besoins de la pièce ce sont les Bosniens et les Ukrainiens. </span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;">Là où l'imposture totale de BHL éclate, c'est que cette pièce qui passe en revue l'histoire de l'Europe au XXème siècle ne dit pas un seul mot sur le communisme. </span><span style="font-size: 9pt; color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">Pas une allusion, de la part de celui qui, dans </span><em style="font-size: 9pt; color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">La Barbarie à visage humain</em><span style="font-size: 9pt; color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">, se proclamait en toute simplicité enfant de la Kolyma. R</span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">évolution bolchévique, </span><span style="font-size: 9pt; color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">Union soviétique, Lénine, Staline, rideau de fer, réunification de l'Allemagne... Rien de tout cela n'a existé. L</span><span style="font-size: 9pt; color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">a tragédie des Ukrainiens serait résumée par le mouvement de Maïdan. La guerre civile de 1919, la collectivisation forcée, la grande famine des années 30, l'occupation par les Nazis ? Rien du tout. Le massacre de centaines de milliers de Juifs à Babi Yar ? Rien... Lévy se fiche bien de l'histoire passée. Elle est au mieux un répertoire de vignettes qu'il extrait pour repérer les avatars du Mal qui agissent maintenant, sur les victimes desquels il lorgne, en espérant que ces belles héroïnes de notre temps viendront poser dans ses bras </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">–</span><span style="font-size: 9pt; color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;"> pour la postérité. C'est là son terrain de jeu, promesse d'une histoire future où il apparaîtrait en justicier. Par une sincérité inhérente à toute écriture, le texte de Bernard-Henri Lévy révèle de nombreuses fois l'obscénité de l'homme.</span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt; mso-fareast-font-family: "Times New Roman"; mso-bidi-font-family: "Times New Roman"; mso-fareast-language: FR;">L'influence directe de Soljénitsyne sur la pensée française ? Heureusement il y avait un troisième homme, que je pus évoquer dans le mémoire de maîtrise : Claude Lefort, dont le livre <em>Un homme en trop</em>, écrit à partir de sa lecture de<em> L'archipel</em>, constitue une étape importante dans sa longue réflexion sur la nature du pouvoir politique moderne.</span></p>http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/1996-Bernard-Henri-L%C3%A9vy%2C-La-Barbarie-%C3%A0-visage-humain#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/43