Le maillage des lectures - Lectures d'âge adulteAutobiographie de mes lectures.2022-03-07T20:19:23+01:00Véronique Hallereauurn:md5:6551cf8fc6b6706899240dddee7d97eaDotclear1999 - Arthur Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentationurn:md5:ef81709b80575008ac9c076c5aaaa03d2022-02-18T13:08:00+00:002022-02-18T15:59:38+00:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteMarc BallanfatNietzschePhilosophieThomas MannWagnerYsé Tardan-Masquelier<p><a class="media-link" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/Schopenhauer.jpg"><img alt="" class="media" src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/.Schopenhauer_m.jpg" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" /></a><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Calibri,"sans-serif""><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">Acheté vers l'été 1997, lu deux ans plus tard. </span></span></span></span></span></span></p>
<p><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Calibri,"sans-serif""><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">Si je demande à ma mémoire qui me fit connaître Schopenhauer, elle me répond spontanément Thomas Mann : entre les mains d’un des <i><strong><a class="ref-post" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/199-Thomas-Mann%2C-Les-Buddenbrook">Buddenbrook</a></strong> </i>l’écrivain met <i>Le monde comme volonté et comme représentation</i>. Mais la mémoire, comme souvent, construit un lien causal direct là où une atmosphère générale et un faisceau de raisons rendraient compte avec plus de justesse des événements qui me conduisirent à acheter puis à lire le grand philosophe allemand.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:15px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Calibri,"sans-serif""><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">Car le <strong><a class="ref-post" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/pages/Une-oeuvre-en-cours">cahier des lectures</a></strong> s’oppose à cette version : en 1995, année précédant celle de la lecture des <i>Buddenbrook</i>, j’avais déjà lu un petit opuscule de Schopenhauer, <i>L’art d’avoir toujours raison</i>, attirée par le titre qui m’avait fait croire à une sorte de manuel de rhétorique, ce qu’il n’est pas ; avoir été trompée dans mon attente est le seul souvenir que j’en garde. Et le seul livre de Thomas Mann que j’avais alors lu, <i>Tonio Kröger</i>, n’évoquait pas, en tout cas nommément, le philosophe. Fausse piste, donc. </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:15px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Calibri,"sans-serif""><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">Pourtant, quelle vérité me présente la mémoire en insistant sur le nom de Mann et sur les <i>Buddenbrook</i> ? Tout d’abord, ainsi que je le notais dans le<a class="ref-post" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/199-Thomas-Mann%2C-Les-Buddenbrook"> billet</a> sur ce roman, il représente une période de ma vie de lectrice davantage tournée vers la culture germanique. Jusqu’en 1992 environ, je lus beaucoup de littérature russe et d’ouvrages consacrés à l’histoire du communisme ; sans jamais l’assécher totalement, la fin de l’Union soviétique tarit cette source. Trois ans plus tard, l’entrée de ma sœur aînée dans le chœur du festival de Bayreuth m’en découvrit une autre : la famille Wagner – Mann – Nietzsche, trois esprits nourris de Schopenhauer. De plus, Thomas Mann fut celui qui me présenta le plus clairement sa philosophie et sa place dans la culture allemande, dans son œuvre romanesque aussi bien que dans ses essais sur ladite culture et son rapport trouble avec le nazisme (<i>Wagner et son temps</i>, lu en 1997).</span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:15px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Calibri,"sans-serif""><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">En feuilletant le cahier, je note toutefois pendant les mêmes années (1995-1999) des lectures d’autres écrivains influencés par Schopenhauer et le citant : <strong><a class="ref-post" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/1992-1997-Marcel-Proust%2C-A-la-recherche-du-temps-perdu">Proust</a></strong>, que je lisais plus assidûment après l’avoir lu par intermittences, Matzneff (<em>Le Taureau de Phalaris</em>, 1997, <em>Maîtres et complices</em>, 1998) et Cioran (<em>Anthologie du portrait</em> et <em>Cahiers</em>, 1997, <em>La tentation d'exister</em>, 1998). Je n’oublie pas non plus, alors que je lisais régulièrement des suppléments littéraires et Le magazine littéraire, que j’écoutais France Culture, les nombreuses occasions d’entendre le nom de Schopenhauer : je ne néglige pas l’entraînement que peut avoir une telle basse continue à passer à l’acte. Attirée par ce philosophe particulièrement apprécié des écrivains, j’achetai finalement son chef d’œuvre. </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:15px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Calibri,"sans-serif""><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">Je tardai à le lire : au feuilleter je vis qu’une bonne centaine de pages était consacrée à la réfutation d’un Kant dont la pensée m’était inconnue (à l’exception de son <i>prétendu droit de mentir par humanité</i>, lu en 1996, qui m’avait semblé aberrant) ; et la présence, dès les premières pages, de nombreux termes comme « entendement » ou « cognition » me rebuta. Je le laissai sur une étagère environ deux années. L’été 1999, alors que j’avais séjourné en Allemagne près de trois semaines, et que je vois dans mon cahier inscrites la lecture des <i>Pourparlers</i> de Gilles Deleuze, l’<i>Essai sur Wagner</i> de Theodor Adorno et <i>Le nihilisme allemand</i> de Leo Strauss, j’imagine chauffée à blanc par cette succession de savantes lectures (dont la question de la prégnance sur moi sera recouverte d’un voile pudique), je me décidai enfin à l’ouvrir et, ayant parcouru en rapides diagonales sa théorie de la connaissance par laquelle Schopenhauer débute son livre, je lus résolument l’exposé de sa philosophie, enjambant sans remords la réfutation de Kant. </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:15px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Calibri,"sans-serif""><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">Je fus soulagée de le comprendre finalement assez bien, et mise en joie par quelques attaques personnelles contre Hegel (collègue d’université qui avait du succès, lui), dont la mauvaise foi avait passé intacte le tamis de l’écrit et du temps.</span></span></span> <span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">L’exposé était convaincant : quand il décrit, pour établir le règne universel de la souffrance, le cycle immuable des prédations, des destructions, on ne peut qu’acquiescer avec lui, la vie est une chose atroce !, tant sont expressives ses lamentations sur les êtres vivants joués par une force inexorable. Je me souviens de très belles pages sur l’art, en particulier sur la musique, qui accorde un « répit », la suspension pour un temps de l’éternel désir, par la contemplation de ce qui est l’expression même de la volonté. Il me paraît difficile de ne pas être sensible à ce que la pensée de Schopenhauer a de profondément existentiel, d’enraciné dans une expérience intime du monde. </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:15px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Calibri,"sans-serif""><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">Je pris quelques phrases en citation et soulignai maints passages, ainsi que j’éprouve le besoin de le faire quand je lis un livre d’idées. J’ai eu un temps l’illusion qu’en procédant ainsi, le temps passé, il suffirait de relire les passages soulignés pour retrouver la quintessence de la pensée de l’auteur, sans avoir à me replonger entièrement dans l’œuvre. L’expérience m’a montré qu’il n’en était rien : en lisant – il est vrai parfois au hasard – les passages soulignés, il est rare que je comprenne vraiment de quoi il est question ! Le soulignement ne se comprend vraiment que dans le contexte de la lecture. C’est sans doute une manière, en marquant les étapes que je juge importantes de la réflexion de l’auteur, de m’aider à la suivre et à la retenir sur le moment, et en indiquant d’autres séparations dans le texte que celles prévues par lui, d’opérer une première synthèse personnelle de sa pensée. Certains soulignements, fort subjectifs, n’ont un sens que le temps de cette lecture ; une seconde, des années plus tard, et l’on se demande pourquoi telle phrase avait méritée à nos yeux d’être mise en valeur… </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:15px"><span style="font-size:9.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">Je ne l’ai jamais relu, mais continue volontiers à lire ou à écouter des émissions sur cet ouvrage qui m’a marquée. Je me sens appartenir au catholicisme, suis attachée à l’Incarnation, à la rencontre de l’Autre ; mais, et de manière contradictoire, la négation chez Schopenhauer de l’individu, son insistance sur l’unité impersonnelle du vivant, me touchent. Et il y a dans mon intérêt actuel pour le yoga (Ysé Tardan-Masquelier, <i>L’esprit du yoga</i>, lu en 2020) et la pensée indienne (Marc Ballanfat, <i>I</i></span></span></span></span><i><span style="font-size:9.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">ntroduction aux philosophies de l’Inde</span></span></span></span></i><span style="font-size:9.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">, lu juste après), autant qu’un lieu commun d’époque, un écho de ma lointaine lecture du <i>Monde comme volonté et comme représentation. </i></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:15px"> </p>http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/1999-Arthur-Schopenhauer%2C-Le-monde-comme-volont%C3%A9-et-comme-repr%C3%A9sentation#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/952021 - Comtesse de Ségur, Le général Dourakine et autres titresurn:md5:8d839b47a1e63a635a7e8b3e052841012021-12-15T12:18:00+00:002021-12-15T12:18:00+00:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteComtesse de SégurLire à haute voixLittérature enfantineLittérature françaiseRelireSoljénitsyneTchékhovTourguéniev<p><span style="font-size:9.0pt;line-height:115%;font-family:
"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";color:#330033"><a class="media-link" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/Dourakine.jpg"><img alt="" class="media" src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/Dourakine.jpg" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" /></a>Trouvé dans ma chambre d'enfant, relu à ma fille de cinq ans.</span></p>
<p><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Calibri,"sans-serif""><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">Dans ma chambre d’enfant j’ai retrouvé cet été quelques livres de la comtesse de Ségur que, en quête d’une nouvelle lecture pour ma fille, j’ai récupérés et commencé à lui lire. A ce jour, j’ai lu la trilogie <i>Les malheurs de Sophie</i>, <i>Les petites filles modèles</i>, <i>Les vacances</i>, puis <i>Les bons enfants</i>, <i>Mémoires d’un âne</i> et enfin <i>Le général Dourakine</i>. Cela me permettra de revenir sur les souvenirs que je garde de ma propre lecture, résumés dans le billet sur<em><a class="ref-post" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/1983-Comtesse-de-S%C3%A9gur%2C-Les-vacances"> <strong>Les vacances</strong></a></em>. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:15px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Calibri,"sans-serif""><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">Tous les livres ne sont pas à moi : je suis allée à la bibliothèque municipale dans l’idée d’en emprunter. Je ne trouve d’abord rien ; demandant à la bibliothécaire, je m’aperçois qu’elle ne connaît pas la comtesse de Ségur, au point même que je doive lui épeler son nom. Sa recherche est vaine : dans tout le réseau des bibliothèques de Paris, la comtesse de Ségur est maintenant inconnue dans les livres pour enfants ; nous découvrons qu’elle est réservée aux adultes, ceux qui regardent les étagères « lettres, littérature ». Les enfants ne risquent pas de tomber sur ses romans par hasard.</span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:15px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Calibri,"sans-serif""><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">En la relisant à ma fille, je me suis demandé de quoi on gardait les enfants actuels. De la morale catholique qui imprègne ses romans, où Dieu permet que l’enfant soit justement puni de sa mauvaise action ? Du milieu noble, hiérarchisé, dont la vie oisive est permise par une nombreuse domesticité et dont les enfants ont des bonnes ? De certaines répliques étonnantes, je pense à Sophie qui, sur le point d’embarquer pour l’Amérique, exprime le désir qu’on lui achète là-bas un petit esclave noir ? Je me surprends moi-même à être attentive : quand la comtesse de Ségur décrit « les sauvages » sur l’île desquels ont échoué Paul et le commandant de Rosbourg, est-ce que ça passe la rampe ? Eh bien il me semble que oui : on y trouve des préjugés d’époque, chacune a les siens, mais la foi chrétienne et la charité de la comtesse de Ségur la sauvent ; elle fait preuve d’une grande capacité de jugement, jamais de mépris. Le caractère moral des romans a d’ailleurs ouvert des conversations avec ma fille, l’école offrant nombre de situations comparables à celles que vivaient des enfants du XIXème siècle, auxquelles nous avons réfléchi ensemble. Il est vrai que le ton parfois très édifiant nuit au plaisir du récit, comme dans <i>Les vacances</i> où les parents observent les bonnes actions des enfants, les en félicitent, que ça demande pardon et que ça pardonne, et que tout le monde s’aime et se le dit en pleurant pendant des pages. </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:15px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Calibri,"sans-serif""><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">Ces pages sont toutefois minoritaires et ce n’est pas ce que ma mémoire avait retenu ; aux petites filles modèles, elle avait préféré les enfants qui ont « bon fond » mais sont aussi gourmands, coléreux, peureux ou vaniteux, bref font des histoires que ma fille écoute à son tour avec un grand plaisir. En relisant mon billet sur <i>Les vacances</i>, je constate que ma mémoire mêlait plusieurs romans ; me fiant aux titres, j'ai pensé que le récit d’une calèche poursuivie par les loups dans une forêt enneigée, évoquant la Russie, figurait dans <i>Le général Dourakine</i>,<i> </i>alors qu’il s’agit d’un des récits que se font <i>Les</i> <i>bons enfants</i> ; j’ai imputé <i>Les malheurs de Sophie </i>à sa belle-mère, Mme Fichini, or les malheurs ne sont que les bêtises que commet une fillette qui a « trop d’<i>idées</i> ». J’ai eu également la surprise de constater que ces scènes avec Mme Fichini, dans <i>Les petites filles modèles</i>, ne sont pas si nombreuses : le personnage est si réussi, à la fois grotesque et méchant, qu’il impressionne la mémoire. D’autres souvenirs me sont revenus au moment de la lecture, ainsi l’épisode des fruits confits dévorés par Sophie, ou Mme Papofski dans <i>Le général Dourakine</i>, autre personnage cruel qui a le fouet facile. </span></span></span></span></span></span></p>
<p style="text-align:justify; margin-bottom:15px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Calibri,"sans-serif""><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">Dans le billet sur <i>Les vacances</i>, j’ai écrit que ma vision de la vie russe, oisive, que l’on trouve chez Tourguéniev ou même Tchékhov, avait sa source dans les romans de la comtesse de Ségur, qui avaient contribué à me donner l’envie de vivre dans ce pays. Pourtant, <i>Le général Dourakine</i>, dont l’action se passe là-bas, ne renvoie pas une image idyllique de la Russie ! La comtesse de Ségur insiste sur le fait que l’usage extensif du fouet, avec les serfs comme avec les enfants, soit le gouvernement par la peur, encourage l’hypocrisie, la paresse, la veulerie… et elle invente un fonctionnaire corrompu d'un sadisme remarquable ! Cela m'a fait penser à ce que <strong><a class="ref-post" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/1987-Alexandre-Solj%C3%A9nitsyne%2C-Une-journ%C3%A9e-d-Ivan-Denissovitch">Soljénitsyne</a></strong> écrivait sur la corruption morale généralisée pendant la période soviétique dans son <i>Ne pas vivre dans le mensonge</i>. La comtesse s’émeut du sort de la Pologne et met en scène un comte polonais arrêté pour « activité anti-russe » et déporté dans l’enfer de la Koly… Sibérie. La différence d'un livre pour enfants est que les méchants y sont punis. Mme Papofski meurt, dans une dernière vengeance faisant condamner l'horrible fonctionnaire à dix ans de travail dans les mines. Je me réjouis de voir que m</span></span></span></span></span></span><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:normal"><span style="font-family:Calibri,"sans-serif""><span style="font-size:9.0pt"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">a fille a élargi son vocabulaire : « forçat », « Sibérie », «bourreau», « complot », « trahison », « corrompre », « servage » en font désormais partie. Connaître la Russie est décidément se spécialiser dans un bien aimable lexique. </span></span></span></span></span></span></p>http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2021-Comtesse-de-S%C3%A9gur%2C-Le-general-dourakine#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/942021 - James Joyce, Ulysseurn:md5:417e56eda5588c234ae7c997ec2b33d32021-10-10T09:57:00+01:002022-02-18T13:53:37+00:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteBalzacDanteGoetheJoyceKunderaLittérature irlandaiseRelire<p><a class="media-link" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/20210924_111025.jpg"><img alt="" class="media" src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/.20210924_111025_s.jpg" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" /></a></p>
<p><span style="font-size:9.0pt;line-height:115%;font-family:
"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";color:#330033">Acheté en 1992, lu la même année, relu en 2021. </span></p>
<p class="MsoNormal"><span style="font-size:9.0pt;line-height:115%;font-family:
"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";color:#330033">« Tu as lu quoi cet été ? – J’ai relu <i>Ulysse.</i> Et toi ? » Voyons de plus près de ce que recouvre cette phrase de snob : l'appropriation tardive et limitée d'un monument de la littérature. Et un peu de fierté ! </span></p> <p><span style="font-size:9.0pt;line-height:115%;font-family:
"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";color:#330033">J’ai lu une première fois <i>Ulysse</i> l’été 1992 : je me souviens surtout de ne pas l’avoir compris, au point que j’ai été un temps convaincue de l’avoir lu en anglais. J’étais alors jeune fille au pair en Irlande, j’ai pensé qu’il faisait partie des livres que la dame chez qui je travaillais m’avait prêtés, parce que chef d’œuvre national. Mais non, je le lus de ma propre initiative, en français, et en passant à côté. Ce n’était pas mon premier Joyce. J’avais lu en 1989 <i>Stephen le héros</i> (emprunté) aucun souvenir maintenant, mais retrouver Stephen Dedalus au début d’<i>Ulysse</i> m’avait donné quelque courage, comme un point de repère dans l’inconnu. Il ne me fut pas utile bien longtemps dans une lecture qui fut fastidieuse bien que déterminée à aller jusqu’au bout de son ennui, encouragée, flattée par le jugement admiratif de mon hôtesse qui en oubliait de me faire travailler, et qui devait finalement m’avouer ne pas aimer <i>Ulysse </i>! Jusqu’à la dernière page j’avais espéré la clé qui m’ouvrirait rétrospectivement le chef d’œuvre. Rien de tel n’arriva et avec un léger regret je reléguai <i>Ulysse</i> au rang des monuments inaccessibles, aux côtés de <i>La divine comédie</i> (tenté de lire vers l’âge de vingt ans) et de<i> Faust</i> (lu vers le même âge, pas noté), me contentant de lieux communs : « <i>L’Odyssée</i> en une journée à Dublin », « le courant de conscience », « le monologue de Molly Bloom » ; la seule image personnelle que j’en gardais était ledit Stephen dans une tour en bord de mer.</span></p>
<p><span style="font-size:9.0pt;line-height:115%;font-family:
"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";color:#330033">Trente ans ont passé, je me suis frottée à l’art d’écrire, ai lu des écrivains critiques ; et dans <i>Le rideau</i> de Milan Kundera (acheté, lu en 2021), généalogie de son art romanesque, un petit passage sur <i>Ulysse</i>. Comme l’épopée, le roman moderne est fondé sur l’action, mais lui la problématise : qu’est-ce qui différencie l’action du geste routinier ? Le « microscope » joycien, écrit Kundera, « agrandit démesurément chaque minuscule geste quotidien et transforme ainsi une journée archi-banale de Bloom en grande <i>odyssée</i> moderne. » A cause de cette phrase et des<strong> <a class="ref-post" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2016-Delphine-de-Vigan%2C-Dapres-une-histoire-vraie">loisirs estivaux</a></strong>, j’ai rouvert les deux volumes de Joyce délaissés chez mes parents. Un mois après avoir terminé leur lecture, ma première impression en est de durée : je ne me souviens pas tant d’une histoire ou de personnages que d’avoir pris un bain de prose joycienne de six semaines. L’odyssée dont il est question est aussi celle du lecteur. </span></p>
<p><span style="font-size:9.0pt;line-height:115%;font-family:
"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";color:#330033">Le voyage avait pourtant failli s’interrompre au bout de deux cents pages, en plein courant de conscience de Léopold Bloom. Après les premiers chapitres relativement aisés à lire, où j’avais éprouvé une satisfaction identique à celle de ma lecture de 1992 à retrouver Stephen Dedalus dans sa tour au bord de la mer d’Irlande (je retrouvais un <strong><a class="ref-post" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/1987-Jean-Giono%2C-Regain">lieu de mon imaginaire</a></strong>), je m’enlisais dans le récit. La patience avec laquelle j’acceptais au début de ne pas tout comprendre, confiante dans des éclaircissements ultérieurs, s’amenuisait au fur et à mesure que je prenais conscience qu’il n’y aurait pas d’éclaircissement ; malgré quelques allusions remarquées à la Grèce antique, je cherchais en vain des parallèles avec <em>L’Odyssée</em> qui aillent au-delà de Bloom-Ulysse, Stephen-Télémaque et Molly-Pénélope. Avoir repéré le thème de la filiation ne me suffisait pas. J’ai décidé de chercher un guide : la page <strong><a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Ulysse_(roman)#Structure" hreflang="fr" title="Ulysse_wikipedia">wikipédia</a></strong> d’<i>Ulysse</i> donne la structure détaillée du roman. J'ai ignoré les riches développements philosophiques et esthétiques sur le symbolisme de l’œuvre, mais suivre le plan général de l’œuvre a sauvé ma lecture. Munie de ce fil j’ai accepté de me laisser entraîner et de renoncer non à une lecture active, mais malgré elle à une quelconque maîtrise, celle dont avaient dû faire preuve les traducteurs pour rendre la virtuosité de la langue originale. </span></p>
<p><span style="font-size:9.0pt;line-height:115%;font-family:
"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";color:#330033">Je me suis donc laissée aller à la prose virtuose de Joyce, son inventivité, sa précision, la diversité de ses registres, l’étendue de son vocabulaire, son érudition. Joyce ne recule devant rien, se permet d'un côté toutes les références, les citations, des poèmes, du latin, du gaëlique, saint Thomas d'Aquin, mythes et nationalistes irlandais ; de l'autre, tous les jeux de mots ou de sonorités, toutes les obscénités et blagues de mauvais goût ; autant dire qu'il ne recule ni devant les accumulations ni devant les longueurs ! Il y a un côté hugolien dans <i>Ulysse</i>. Son humour, que je n’attendais pas, a été une des bonnes surprises de ma lecture, ponctuée de quelques éclats de rire. Certains passages sont plus faciles à lire que d’autres, ce qui m'a permis de respirer : les parodies de romans sentimentaux ou de romans simplement mauvais, ou le chapitre en forme de questions/réponses. </span></p>
<p><span style="font-size:9.0pt;line-height:115%;font-family:
"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";color:#330033">Rarement j’ai éprouvé une sensation d’artificialité comme dans <i>Ulysse</i>, œuvre qui semble proclamer avant tout sa nature littéraire et nous tient conscient à chaque page qu’on est en train de lire, et de lire que nous sommes langage, que nous sommes pétris de discours, que tout ce que nous vivons est texte. Cela pourrait être pédant, précieux : ce ne l’est pas, tant rien ne sent le recherché ; ce serait plutôt le trop-plein du langage qui déborde la réalité. Sans doute parce que Joyce a foi dans le Verbe et l'Art, il n'y a rien de ce fabriqué, de ce figé que connote le mot « artificiel » ; tout est saisissant de vie et de dynamisme. Tel est à mes yeux le mystère et la réussite d’<i>Ulysse</i>. Les pages sur Stephen à la plage sont d’une telle justesse dans le rendu des sensations qu’elles appelaient à elles mes propres souvenirs et m’y renvoyaient avec un sentiment de présence confinant à l’hallucination. Il rythme la durée à travers un motif, celui du savon que Bloom achète le matin, glisse dans la poche arrière de son pantalon jusqu’à ce qu’il puisse, à son retour tardif chez lui, enfin le ranger tout cabossé par la longue journée, pendant laquelle il a senti sa présence, discrète ou inconfortable. </span><span style="font-size:9.0pt"><span style="line-height:115%"><span style="font-family:"Cambria","serif""><span style="color:#330033">Côtoyer tout au long du roman un certain nombre de dublinois du 16 juin 1904 contribue à nous immerger dans l'être de la ville, et m'a procuré le même plaisir que de revoir des personnages dans <em>La comédie humaine. </em></span></span></span></span><span style="font-size:9.0pt;line-height:115%;font-family:
"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";color:#330033">Plusieurs scènes ont le réalisme propre au cinéma… à une époque, le roman ayant été écrit entre 1914 et 1921, où le cinéma en manquait : la longue scène dans les bureaux de la rédaction d’un journal semble avoir enfanté <i>Citizen Kane</i>. Andy Warhol avait le fantasme de saisir les mouvements d’une conversation réelle, le plaisir qu’elle donne, et avait pensé l’atteindre par l’enregistrement. <i>Ulysse</i> montrer que l’épuisement de la réalité ne peut être tenté que par des moyens formels. </span></p>
<p><span style="font-size:9.0pt;line-height:115%;font-family:
"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";color:#330033">Que deviennent dans de telles conditions les personnages, l’histoire, l’action ? L’obsession joycienne de tout saisir par le langage égalise dans le roman tout ce qui fait la matière de la vie. Les sensations sont mises au même plan que les répliques, les impressions diffuses que les pensées fortes ; tout est langage mais la parole, dès lors, est relativisée. L’action, l’histoire, se fondent dans le tout-venant de la vie, comme dans ces tableaux de Vuillard où les vêtements des femmes se détachent à peine des tapisseries derrière elles ; des répliques de dialogue se succèdent à plusieurs paragraphes d’intervalle : tant de « choses » ont passé entretemps ! Il reste pourtant une histoire – celle d’un amour, celui de Leopold et Molly Bloom, qui <em>tient</em>, malgré la mort d’un fils, les adultères de chaque côté, le temps ; celle d’un fils, Stephen, qui se sent étranger à ses parents, coupable d’avoir refusé à sa mère mourante, par conviction, de prier pour son âme ; celle de ce père et de ce fils qui se croisent recroisent et finalement se rencontrent, liés par un sentiment filial naissant. Le reste, je le laisse aux universitaires, pour qui une telle œuvre, truffée de références, est une mine de sens à exploiter : je leur laisse les innombrables jeux avec <i>L’Odyssée</i>, <i>Hamlet</i>, la vie de Shakespeare, la consubstantialité du Père et du Fils. C’est ma limite, et peut-être celle d’<i>Ulysse</i> : pas envie de fouiller. </span></p>http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2021-James-Joyce%2C-Ulysse#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/932020 - Marcel Aymé, Les contes bleus du chat perchéurn:md5:acbbeba7ab245515b9c0674a7250efd22021-05-17T12:07:00+02:002021-10-11T13:08:43+02:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteKafkaLire pour les autresLire à haute voixLittérature enfantineLittérature françaiseMarcel AyméWalt Disney<p><a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/contes_bleus.jpg" title="contes_bleus"><img alt="contes_bleus" src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/contes_bleus.jpg" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" title="contes_bleus" /></a></p>
<p class="MsoNormal"><span style="font-size:9.0pt;line-height:115%;font-family:
"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";color:#330033">Offert pendant l’enfance, donné à ma fille.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align:justify"><span style="font-size:9.0pt;
line-height:115%;font-family:"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";
color:#330033">Un maillage de lectures inattendu est apparu l’année dernière : une relecture pour autrui d’un livre lu pendant l’enfance. Cela méritait <span style="mso-spacerun:yes"> </span>un billet !</span></p> <p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size:9.0pt;
line-height:115%;font-family:"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";
color:#330033">Comme bien des parents, mon époux et moi sacrifions à la lecture du soir. Le plus difficile dans ce rituel, outre la nécessité de trouver de bonnes histoires, ou des contes qui n’aient pas été mal réécrits, est la répétition parfois obsessionnelle de certaines lectures demandées par notre fille. C’est ainsi que mon époux a dû lire <em>La Belle et le Clochard</em>, adapté du dessin animé de Walt Disney (offert), tous les soirs ou presque pendant au moins trois mois. A bout, il a essayé divers moyens de varier sa lecture, en prenant différents accents pour la raconter ou en la transformant en jeu de devinettes. Quand il en est venu à une lecture ultra-rapide, presque marmonnée, je me suis dit qu’il était temps de le soulager de ce qui était devenu une corvée.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size:9.0pt;
line-height:115%;font-family:"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";
color:#330033">J’ai retrouvé dans ma chambre d’enfants ce livre des <em>Contes bleus du chat perché</em> que j’avais reçu en cadeau à un âge où je savais lire. J’en gardais un souvenir vague, les prénoms des deux héroïnes, Delphine et Marinette, le fait qu’elles vivaient dans une ferme, et que les animaux de la ferme étaient des personnages à part entière. Je me souvenais surtout d’un grand plaisir de lecture. Bien que ma fille n’ait alors que quatre ans, j’ai décidé de commencer à les lui lire pendant le confinement printanier, car les histoires d’animaux ont sa préférence : moyennant quelques explications, elle suit parfaitement. La longueur des phrases, l’utilisation complexe des temps de conjugaison, le vocabulaire, ne sont pas un obstacle à la compréhension et habituent au contraire son oreille à un français expressif. J’apprécie qu’à côté des mots appris cette année-là, « confinement » ou « virus », il y ait eu aussi « miséricorde », « besogne » ou l'injure « maudite carne! ». Devant le succès, j’ai acheté depuis </span><em style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;">Les contes rouges du chat perché</em><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;"> qui nous occupent encore actuellement.</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size:9.0pt;
line-height:115%;font-family:"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";
color:#330033">Pour nous, le premier avantage de ces histoires est leur longueur, qui fait que chacune occupe plusieurs soirées. La répétition en est déjà moins pesante. Le second, immense, est leur écriture, l’humour et la richesse de l’imaginaire, qui donnent envie d’incarner le texte, de jouer avec les intonations : il y a matière. Enfin, Marcel Aymé fait référence à d’autres histoires que l’on peut lire ensuite, <em>Le loup et l’agneau</em> dans <em>Le loup</em>, ou celle de l’arche de Noé dans <em>L'éléphant</em>. Le cadre de ces contes est très réaliste. Les parents sont des fermiers pauvres, durs à la tâche mais aussi avides, sévères, parfois injustes, presque autant envers leurs filles qu’envers les animaux. Le travail est premier dans ce monde et ce, pour tous. L’animal sauvage fait quelques incursions dans les histoires, bouleversant parfois la hiérarchie comme dans <em>Le canard et la panthère</em> où cette dernière impose aux parents un régime plus juste envers les animaux de la ferme..</span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size:9.0pt;
line-height:115%;font-family:"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";
color:#330033">L’humour est constant, ironie, double sens et humour noir abondent pour décrire les relations tumultueuses entre animaux et humains, ou entre animaux,. Belle initiation pour un enfant, qui rit maintenant quand le cochon se flatte que les parents le trouvent « beau » sans comprendre que cela signifie qu’il est assez gras pour être bientôt mangé ; ou quand les parents, mécontents du canard, s’avisent soudain, en le regardant d’un « air cruel », qu’il y a au jardin des navets qui « feraient une bien belle garniture ». Le canard ne comprend pas bien l’allusion mais « se sent gêné » et s’empresse de s’éloigner. Les animaux ont généralement la bienveillance de l’auteur, à quelques exceptions près : les rapporteurs sont mangés sans pitié, notamment un coq qui termine « au vin » et dont « tout le monde fut très content». </span><span style="font-size: 9pt; color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size:9.0pt;
line-height:115%;font-family:"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";
color:#330033">L’austère réalité est également tempérée par la forte amitié entre les fillettes et les animaux ; dans ces contes, l’intensité des sentiments peut imprimer une figure nouvelle à la réalité, jusqu’à la teinter de fantastique. Comme ma fille, j’aime particulièrement <em>Les boîtes de peinture</em>, où les animaux se mettent à ressembler aux portraits ratés que Delphine et Marinette ont faits d’eux. L’âne fait preuve de générosité et d’intelligence en jouant l’illusionniste pour punir <em>Le mauvais jars</em> qui a mordu les fillettes et confisqué leur balle. A l’inverse, dans une réalité mise sens dessus dessous par l’ivresse ou l’avidité des adultes, quand un mouton sert de cheval à un soldat, les sentiments rétablissent l'harmonie, le canard substitue un cheval de bois au mouton qui peut enfin retrouver ses amies Delphine et Marinette. </span><span style="font-size: 9pt; color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;"> </span></p>
<p class="MsoNormal" style="text-align: justify;"><span style="font-size:9.0pt;
line-height:115%;font-family:"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";
color:#330033">Il est toutefois une histoire terrible pour les parents, ceux de l’histoire et ceux qui lisent : <em>L’âne et le cheval</em>, variation sur <em>La métamorphose</em> de Kafka. C’est celle où Aymé va le plus loin dans son idée que les sentiments créent une autre réalité. Delphine et Marinette expriment le désir d’être transformées en âne et en cheval, désir exaucé lors d’une sombre nuit. Que devient l’amour des parents face à une telle métamorphose ? Croient-ils vraiment que ces animaux qu’ils découvrent un matin dans la chambre des enfants soient leurs filles ? Au début oui, mais peu à peu, leurs souvenirs s’effacent, l’âne et le cheval sont mis au travail et traités comme les autres animaux avec dureté, comportement dont les parents rougissent de moins en moins au fil des jours. Je remarque (et le fais remarquer à ma fille) qu’en fonction de l’affection qu’ils leur portent, le texte dit « Delphine et Marinette » ou « l’âne et le cheval ». Allant jusqu’au bout de la logique du récit, Aymé finit par confondre les parents : après avoir voulu vendre le cheval à un maquignon contre une forte somme, ils se justifient en disant qu’ils n’ont jamais cru à cette sornette d’une métamorphose, que le cheval n’est bien sûr qu’un cheval. Pourtant, réplique l’âne, ils ne se sont jamais inquiétés du sort de leurs filles disparues du jour au lendemain : ils étaient donc bien convaincus de sa réalité... Après cette scène d’une force incroyable, Aymé n’a plus qu’à retransformer l’âne et le cheval en Delphine et Marinette. Tout rentre dans l’ordre : les parents sont heureux de les retrouver, « car c’étaient, au fond, d’excellents parents », conclut l’auteur… Cette histoire m’a davantage traumatisée moi, que ma fille qui ne la comprend sans doute pas très bien. </span></p>
<p><span style="font-size:9.0pt;line-height:115%;font-family:"Cambria","serif";
mso-fareast-font-family:Calibri;mso-fareast-theme-font:minor-latin;mso-bidi-font-family:
"Lucida Sans Unicode";color:#330033;mso-ansi-language:FR;mso-fareast-language:
EN-US;mso-bidi-language:AR-SA">Ma fille est réticente à la relecture des passages où meurt un animal (le cerf dans <em>Le cerf et le chien</em>, la panthère dans <em>Le canard et la panthère</em>, beau récit pourtant), mais la seule histoire qu’elle n’ait pas aimée est <em>Les cygnes</em>, où des animaux se réunissent pour adopter de petits orphelins. J’ai dû expliquer ce que signifiait ce mot, et lui apprendre qu’un enfant pouvait perdre ses parents. Elle a été vivement inquiétée. Nous ne l’avons jamais relue. </span></p>
<div> </div>http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2019-Marcel-Aym%C3%A9%2C-Les-contes-bleus-du-chat-perch%C3%A9#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/922015 - Emmanuel Carrère, L' Adversaireurn:md5:f1f765989b28e050f610d53a4ade2db52021-03-28T10:00:00+02:002022-02-18T14:45:58+01:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteEmmanuel CarrèreLecture et cinémaLittérature françaiseNicole GarciaPatricia HighsmithRené Girard<p><a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/.Adversaire_s.jpg" title="L_Adversaire"><img src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/.Adversaire_s.jpg" alt="L_Adversaire" title="L_Adversaire" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" /></a><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Emprunté à la bibliothèque.</span></p>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Je lis rarement un roman sur la seule foi de <a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2014-Aur%C3%A9lie-Filippetti%2C-Les-derniers-jours-de-la-classe-ouvri%C3%A8re"><strong>son sujet</strong></a> : le sujet peut être massacré par l'écrivain si son écriture ne se hisse pas à la hauteur, et plus il est attirant </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">–</span><span style="font-size:9.0pt;font-family:"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";
color:#330033"> comme un fait divers éminemment romanesque </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">–</span><span style="font-size:9.0pt;font-family:"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";
color:#330033"> plus la déception du lecteur sera grande ! C'est ce qui m'arriva avec <em>L' Adversaire</em>. </span><div><span style="font-size:9.0pt;font-family:"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";
color:#330033"><br /></span></div> <div><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Puisque la couverture est extraite du film que Nicole Garcia a
tiré du livre d’Emmanuel Carrère, je vais en dire un mot, d’autant plus que je
le vis à sa sortie, en 2002 donc si j’en crois l'internet. Comme tout le monde j’étais fascinée par <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_Romand" hreflang="fr" title="Affaire_Romand">l’affaire Jean-Claude Romand</a></span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">, histoire digne d'une tragédie grecque. Le choix de
Daniel Auteuil pour l’interpréter ne me sembla pas très heureux, manque d’aura,
de puissance d’acteur pour incarner un homme qui avait su imposer à ses
proches le récit totalement inventé d’une vie de médecin aisé ; la caméra de
Nicole Garcia reste très extérieure au personnage, et à aucun moment ne permet
de mieux le comprendre ; bref le film me parut assez plat. </span>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Bizarrement, je n’eus pas alors la curiosité de lire le livre
d’Emmanuel Carrère, à qui je commençai à m’intéresser seulement des années plus tard quand je lus les critiques sévères que l’écrivain <a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2012-Pierre-Mari%2C-R%C3%A9solution" hreflang="fr" title="Affaire_Romand"><strong>Pierre Mari</strong></a> consacra à son <em>Limonov</em> puis au <em>Royaume</em>*. Je lus le premier en 2014 puis, en 2015,
je lus <em>Le Royaume</em> tout juste paru et dont mes parents me faisaient l'éloge, <em>Un
roman russe</em> et <em>L’ Adversaire </em>donc, qui est
jusqu’à présent le dernier que j’ai lu de lui. </span>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">J’ai été déçue par ma lecture – pour la raison mentionnée en
introduction, mais aussi par ma faute. J’espérais en effet, contre tout ce que
je savais de Carrère et avais déjà lu de lui, qu’il ferait comme un Robert Merle avec Rudolph Hoess dans </span><em style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;"><a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2007-Robert-Merle%2C-La-mort-est-mon-m%C3%A9tier" hreflang="fr" title="Affaire_Romand"><strong>La mort est mon métier</strong></a></em><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;">, ou un Morgan Sportès dans <em>Tout, tout de suite</em> (lu en 2012) sur "<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Affaire_du_gang_des_barbares" hreflang="fr" title="Le gang des barbares">le gang des barbares</a>", </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt; background-color: white;">c’est-à-dire qu’il essaierait
en romancier de comprendre ce personnage et de nous le faire comprendre, d’écrire
son extraordinaire double vie née de la honte d’un échec, de son impossible
aveu, puis d'un mensonge assumé, de plus en plus abyssal, qui le conduisit aux
meurtres. Carrère avait à sa disposition pour cela – il nous le dit amplement –
tous les dossiers du procès qu’il avait suivi en chroniqueur judiciaire. Or il
n’en fait rien. Pas de roman pour Romand. Comme il n’est pas chien il nous brosse
tout de même le récit de l’affaire, en remaniant sans doute les articles écrits
pour Le Nouvel Observateur. Sur ce plan, il a l’art de synthétiser une
documentation pléthorique et d’en tirer une narration soutenue, que j’ai lue
avec plaisir... toutefois un plaisir amoindri.</span> <div><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;"><br /></span></div><div><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;">Pourtant, Carrère s’est senti
appelé, voire requis par l’affaire Romand, à tel point qu'il l’a rencontré et a
entretenu une correspondance avec lui. Il raconte ses démarches, son désir d’écrire
un livre sur lui, ses hésitations ; son récit montre finalement un
romancier impuissant à donner forme à sa fascination pour le meurtrier, fascination qu'il n'approfondit pas : la lectrice que j’étais ne risquait pas d'approfondir la sienne. Pourquoi est-on à ce point bouleversé, pourquoi se sent-on
concerné par cette histoire ? Carrère n’a cessé d’expliquer depuis lors
dans les médias (plus que dans son livre d’ailleurs) qu’il avait abandonné la
fiction avec </span><em style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;">L’Adversaire</em><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;">. Sans
doute, me dis-je aujourd’hui, parce qu’il avait trouvé face à lui un autre narrateur,
autrement plus puissant que lui, qui a fait de sa vie une pure fiction,
que près de vingt années ont chargée de réalité et à laquelle elles ont
donné tout leur poids d’existence, et qui a enfanté de la pure violence. Le romancier
qu'était alors encore Carrère s'est senti bien léger à côté, avec ses petites
histoires sans conséquences ; il a dû s'incliner devant ce démiurge de soi et
du réel, à l’œuvre plus imaginative, plus opérante, plus </span><em style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;">performative</em><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;">. </span><em style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;">L’ Adversaire</em><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;">
est donc le récit d’une défaite, non assumée, transmuée en « non-fiction »,
la voie qu’il empruntait avec ce livre : Moi chevauchant un grand sujet. Pour
reprendre les termes de René Girard, au mensonge romantique de son adversaire,
fauteur de violence, Carrère renonçait à opposer la vérité romanesque. </span><div><div><div><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><br /></span></div><div><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">J’ai pensé récemment, et
c’est ce qui m’a donné envie d’écrire ce billet, à une vieille
lecture, <em>Le journal d’Edith </em>de
Patricia Highsmith, lu en 1991. Ce que Romand a fait dans la vie, Edith le
fait dans son journal. Comme pour lui, le mensonge qu’elle construit, d’abord
minime et bienfaisant, la soulageant de l’échec, au fil des années creuse un
gouffre entre la vie réelle et la vie imaginaire, où elle se disloque. Si Edith
ne ment pas aux autres, elle se ment à elle-même, et la violence que le
mensonge porte en lui s’exercera non sur les autres, mais sur elle, jusqu’à la
folie. Cette lecture m'a marquée car elle me rappela que mes premières
tentatives de tenir un journal m'avaient conduite à enjoliver un événement qui
ne s'était pas passé comme je l'aurais voulu, que la passagère satisfaction que
ce mensonge de confort m'avait procurée m'avait poursuivie comme un remords. Le journal d'Edith fit comprendre la faille que
cet arrangement bénin avec la réalité avait laissée apparaître, et la menace
qu'elle portait. J'entendis l'avertissement. </span></div><div><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><br /></span></span></div><div><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Le souvenir de ce roman ne
m’est pas revenu au moment de ma lecture de <em>L’ Adversaire</em>, mais aujourd'hui c'est lui qui m’aide à
comprendre mon intérêt pour l'histoire Romand. Un personnage que Carrère a
renoncé à saisir, de peur sans doute de se confronter à ses propres démons.</span> </span></div><div><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><br /></span></span></div><div><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">* <em>Publiées depuis dans </em>Contrecœur<em> aux éditions La Nouvelle Librairie, 2021.</em></span></div></div><div><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><em><br /></em></span></div></div></div></div>http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2015-Emmanuel-Carr%C3%A8re%2C-L-Adversaire#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/912000 - Sade, Les 120 journées de Sodomeurn:md5:4e6067d0fd85e96a4373498fa109e7742018-01-22T20:44:00+01:002021-09-15T12:49:54+02:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteAnnie Le BrunBret Easton EllisChantal ThomasJ.G.BallardLittérature françaisePhilippe MurayRoland BarthesSadeSoljénitsyne<p><a title="120_journees" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/120_journees.jpg"><img title="120_journees" style="margin: 0 1em 1em 0; float: left;" alt="120_journees" src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/120_journees.jpg" /></a><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Acheté, lu aussitôt.</span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Je fus
incapable de terminer certains romans en raison d’une trop grande violence des
descriptions : ainsi <a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2000-Bret-Easton-Ellis%2C-American-Psycho"><em style="mso-bidi-font-style: normal;"><strong>American Psycho</strong></em></a>
de Bret Easton Ellis et, exemple encore plus flagrant puisque je ne dépassai
pas le premier chapitre, <em style="mso-bidi-font-style: normal;">Crash</em> de
J.G. Ballard. Pourtant, je n’étais pas une oie blanche de la lecture<span style="color: rgb(51, 0, 51); line-height: 115%; font-family: "Cambria",serif; font-size: 9pt; mso-fareast-font-family: Calibri; mso-fareast-theme-font: minor-latin; mso-bidi-font-family: "Lucida Sans Unicode"; mso-ansi-language: FR; mso-fareast-language: EN-US; mso-bidi-language: AR-SA;">, j’avais pu lire jusqu’au bout, peu de temps auparavant,<em style="mso-bidi-font-style: normal;"> Les 120 journées de Sodome</em>. Comment
cela avait-il été possible ?</span> </span></p> <span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">J’avais lu deux livres de Sade vers l’âge de dix-huit ans, <em>Justine
ou les malheurs de la vertu</em> et <em>La
philosophie dans le boudoir</em>, et pensais ne plus en lire, ayant une bonne
idée des œuvres du Marquis, de ses idées très longuement détaillées, et de ses
scènes érotiques dont le grotesque, de l’exposé préalable du maître de
cérémonie sur les positions à prendre aux commentaires simultanés des acteurs (« Je
n’en puis plus… ! Je jouis… ! Je meurs ! »), nuit quand
même à l’efficacité. Quelques années plus tard, je découvris avec étonnement, dans
sa <em>Correspondance</em> (commencée en 1998),
que Flaubert était lecteur de Sade ; la même année, je lus de Philippe
Muray des <em>Exorcismes spirituels</em> qui
lui étaient consacrés. Je découvris enfin qu’il existait toute une pléiade
de penseurs contemporains lecteurs de Sade (je lirai essentiellement, suite à ma lecture, la même année, <em>Sade </em>de Chantal Thomas, dont je n'ai aucun souvenir, <em>Soudain un bloc d’abîme</em>,<em> Sade,</em> d’Annie
Le Brun, dont j'ai de vagues souvenirs et, non notée mais que j'ai dû faire en 2000/2001 aussi, <em>Sade, Fourier, Loyola </em> de Roland
Barthes, dont je n'ai aucun souvenir). Cela me convainquit d’y revenir, au moins à son œuvre la plus connue,
<em>Les 120 journées de Sodome</em>.</span><p>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">
Je ne prétends pas
que cette lecture fut facile, ni que je ne me crispai pas de douleur en tendant
les bras pour éloigner le livre à la description des tortures infligées aux
deux amoureux à la fin du récit (la cruauté allant croissant au fur et à mesure
que l’on tourne les pages, ce qui ne m’empêchait pas de les tourner). Toutefois,
cela restait incommensurable au dégoût éprouvé à la lecture des romans d’Ellis
et de Ballard. Le fait que <em>Les 120 journées</em> ait été écrit au XVIII<sup>ème</sup>
siècle a dû aider à m’en préserver. Notre distance temporelle de la langue du
XVIII<sup>ème</sup> relativise la force suggestive des descriptions, là où les
romans contemporains pâtissent d’une grande proximité avec le monde du lecteur :
celui-ci, dès lors, se représente plus facilement ce qui est écrit. Ces
romans contemporains pâtissent aussi, peut-être, d’un désir chez
l’écrivain de rivaliser avec le réalisme cru des images cinématographiques, là
où, chez Sade, nous sommes clairement dans une œuvre de fiction. Le prologue en
est même assez romanesque, et est sans doute la meilleure partie du livre,
quand les quatre amis du Crime envoient leurs sbires dans tout le pays pour
enlever les futures victimes, fine fleur de l’aristocratie : la mise en
place de la situation ne manque pas d’allant, avant de s'immobiliser dans le théâtre. </span></p>
<p>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">
La raison interne
au récit de Sade, qui permette sa lecture, me semble être, en effet, son
dispositif théâtral. Pour s’adonner à tous leurs vices et sévices, ceux que
Sade appelle les scélérats s’isolent dans un château, lui-même isolé sur un
rocher au milieu d’une forêt impénétrable, sur des terres où les paysans leur
sont inféodés ; les acteurs sont retirés du monde, en une distance
symbolique rassurante pour le lecteur (il est possible que cette phrase soit
une réminiscence de l’essai d’Annie Le Brun). Dans le château de Silling, le
programme de débauche est minutieusement réglé, avec ses heures, ses lieux, ses
rôles, ses actes, le tout continûment commenté, expliqué, justifié. Bref, le
lecteur n’est pas face à face avec le crime nu et sa brutale réalité. Le crime
est mis en forme – et passe mieux ! Nous sommes dans un théâtre qui met en
scène l’action implacable du Mal – un Mal conscient de soi, et évident à tous.
Les scélérats sadiens revendiquent leur scélératesse, et possèdent une laideur
repoussante. Il n’y a pas de beauté du diable chez Sade ! C’est que les scélérats n’ont pas besoin de séduire pour accomplir leur forfaiture : la nature est dominée par le Malin.</span></p>
<p>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">
Comme Sade épouse
le point de vue du Mal, nous ne sommes pas dans une tragédie. Celle, atroce,
que vivent les victimes, est laissée à notre imagination ; nous pouvons,
si le cœur nous en dit, souffrir avec elles : mais dans le cadre du récit,
l'expression de leur souffrance ne sert qu’à exciter encore plus les fureurs criminelles. Et puis,
Sade nous met devant nos contradictions : si nous plaignons les victimes,
pourquoi continuons-nous à tourner les pages ? Je me souviens d’un passage
où Sade ironisait envers le lecteur. Après une débauche collective, deux des
scélérats s’isolaient pour continuer l’orgie. Sade écrivait, pince-sans-rire, que
là c’en était trop, il ne pouvait dévoiler au lecteur ce qui allait se passer
entre eux. Je me surpris à protester intérieurement devant cette soudaine
retenue. Sade referma le piège : c'est qu'il voulait épargner mes chastes oreilles.
Je rougis : après ce que je venais de lire, mes oreilles étaient tout sauf
chastes ! Il m’avait bien eue.</span></p>
<p>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">
Une nuit je rêvai, au cours
de ma lecture ou juste après l’avoir terminée, que j’étais moi aussi au château
de Silling. J’étais l'une des victimes. Et dans le rêve le suicide me paraissait
préférable aux tortures qu’elles subissaient. Je m’échappais par une ouverture,
prête à me rompre le cou sur les rochers abrupts sur lesquels était bâti le
château. Bon, mon optimisme foncier fit que je me retrouvais, entière, au pied
du château et que je fuyais dans la forêt. Pour échapper aux scélérats et à leurs
sbires, je ne marchais que la nuit ; le jour, je dormais après m’être enterrée
– comme l’avait fait George Tenno, le prisonnier qui raconte son évasion dans <a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillagedeslectures/index.php/post/1988-Alexandre-Solj%C3%A9nitsyne%2C-L-archipel-du-Goulag"><em><strong>L’archipel du Goulag</strong></em></a>. Je crois que ce n’est
pas un hasard si, dans le rêve qui me plongeait dans un lieu totalitaire, surgissait
le souvenir d’une œuvre qui fut en soi un acte de liberté et une demande de
justice. .</span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><br /></span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><br /></span></p>http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2000-D.A.F.-de-Sade%2C-Les-120-journ%C3%A9es-de-Sodome#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/892000 - Bret Easton Ellis, American Psychourn:md5:9b1eeb6e65987e522040a02db5d1e0c22018-01-08T22:00:00+01:002021-03-27T21:49:06+01:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteBret Easton EllisGirardImmédiatementJ.G.BallardLectures interrompuesLittérature américaine<p><a title="American_psycho" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/American_psycho.jpg"><img title="American_psycho" style="margin: 0 1em 1em 0; float: left;" alt="American_psycho" src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/American_psycho.jpg" /></a></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Acheté, lu aussitôt, non terminé. </span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Bret Easton Ellis, avec J.G. Ballard, fait partie de ces
écrivains dont j’entendis parler pour la première fois auprès des camarades de
la revue <a title="Immédiatement" href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Imm%C3%A9diatement" hreflang="fr"><em>Immédiatement</em></a>, dont je fis
la connaissance à l’automne 1998. Plus au fait que moi de la littérature de
l’époque, amateurs de genres que je ne fréquentais guère, ils me permirent
d’élargir mes références. Cependant, les deux auteurs nommés ci-dessus ont ceci
en commun que je fus incapable de terminer le roman que j’avais commencé à lire
d’eux, tant le dégoût fut grand.</span></p> <p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">J’étais certes prévenue que le héros d’<em>American psycho</em>, Patrick Bateman (nom sans doute inspiré de Norman Bates, le héros de <em>Psychose</em> : j’avais d’ailleurs retenu Patrick Bates), était un tueur en série, mais la personnalité du héros n’est pas un critère dans le choix d’un roman et la lecture commença bien. J’aimai l’atmosphère irréelle que crée Ellis quand il décrit le milieu des financiers de Wall Street, auquel Bateman appartient – si je puis utiliser ce verbe, « décrire», alors qu’il ne les montre pas au travail (on n’apprend rien sur la finance). Ces financiers apparaissent comme des ectoplasmes interchangeables, qui se trompent eux-mêmes dans leurs noms et se confondent, cherchant désespérément un semblant de singularité à travers le raffinement sans limite de leurs atours ou de leur nourriture. Je crois qu’on a rarement montré aussi efficacement que la quête effrénée d’originalité est le comble du conformisme, celui qui s’ignore. J’ai le souvenir en particulier de la scène où ils comparent leurs cartes de visite, les uns pâlissant à la vue de celle des autres, à la plus grande finesse du grain du papier, à sa plus belle luminosité, aux volutes plus gracieuses des caractères imprimés ; je me souviens du rire terrible qui s’en suivait ; de mon admiration face à la virtuosité de l’écrivain, capable de tenir une description détaillée des cartes et de ne pas ennuyer le lecteur. </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">C’est
le passage qui m’a le plus marquée, et l’image me vient encore à l’esprit régulièrement
quand, par exemple, j’entends évoquer la théorie du désir mimétique de René Girard.</span></p>
<p>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">L’irréalité de l’atmosphère créée par Ellis tient à ce que le
lecteur suit le point de vue de Bateman ; or le personnage est enfermé en lui-même et, si je puis dire, est
sans conscience : le lecteur voit à travers ses yeux, mais il n’a pas
accès à son intériorité ; il n’entend pas sa voix. Solitaire, sa
seule activité personnelle n’est pas très sérieuse puisqu’elle consiste à
écrire des études sur des chanteurs de pop commerciale. Plusieurs chapitres du livre sont consacrés à ces études, dont j’avoue ne pas avoir compris le statut
dans le roman : je pencherais pour l’ironie si Ellis ne prenait pas le temps de
les écrire, ce qui est une manière de les prendre au sérieux, et en tout cas de leur en donner. Enfin, et surtout, Bateman sombre périodiquement dans la violence, seuls moments où il agit réellement. Et quelles
actions ! Meurtres barbares, contre un clochard, contre des prostituées, qui sont détaillés
et très pénibles à lire.<br />Pourtant, ces moments de réalisme brutal ne parviennent
pas à déchirer le voile irréel du monde de Bateman. Les meurtres passent
inaperçus et renforcent l'impression de sa totale solitude existentielle. Les personnages de
ses pairs existent à peine. Je pensai d'abord que c’était le signe d’un
enfermement de Bateman en lui-même, aux yeux de qui autrui ne compte pas ; mais l’absence, chez ses pairs, de la moindre réaction
face à la folie de Bateman semble plutôt signifier qu’il est apparemment
normal, et donc que la normalité apparente de ses pairs cache le même
enfermement en soi, la même folie – et possiblement la même violence. Les seuls
personnages à avoir une existence dans le roman sont des membres des classes
inférieures, dont le destin alors est de devenir les victimes de Bateman...
Au mieux, ils sont de simples figurants, sans aucun pouvoir sur lui :
ainsi les blanchisseurs chinois à qui il peut donner à laver ses draps
maculés de sang sans crainte d’être dénoncé à la police. Bien que l'on puisse comprendre ainsi que les financiers, prédateurs anonymes et intouchables, sont le produit humain monstrueux de la nouvelle révolution capitaliste en cours, je ne fis pas, contrairement sans doute à mes camarades, une lecture politique d'<em>American Psycho</em>.<br /><br /></span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">J'arrêtai de lire le roman quand Bateman découpe les vagins de
ses victimes et les accumule dans ses placards. La
description, d'un réalisme pornographique, m'a insupportée. Je me suis senti atteinte par la violence du personnage </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">–</span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"> cas unique dans ma vie de lectrice </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">–</span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"> ce qui m'a fait rejeter un roman que pourtant j'avais apprécié. </span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Ce même réalisme outrancier m'a fait abandonner, dès la fin du premier chapitre, <em>Crash</em> de J.G. Ballard (lu vers 2001-2002) et ses personnages qui jouissent parce que l'acier leur rentre dans le corps...</span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><br /></span></p>http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2000-Bret-Easton-Ellis%2C-American-Psycho#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/882006 - Charles Dantzig, Dictionnaire égoïste de la littérature françaiseurn:md5:9444f595df67d49fce24fbaf2d0689342017-09-18T17:06:00+02:002021-03-26T12:21:54+01:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteAlain BosquetCharles DantzigEssaiLaurence SterneLittérature françaiseProustRémy de GourmontSaint-SimonScott FitzgeraldSoljénitsyne<p><a title="Dico Dantzig" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/ http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/Dico%20Dantzig.jpg"><img title="Dico Dantzig" style="margin: 0 1em 1em 0; float: left;" alt="Dico Dantzig" src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/ http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/Dico%20Dantzig.jpg" /></a><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Emprunté à la bibliothèque, lu aussitôt. Acheté en 2012 en livre de poche et relu. </span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">
De Charles Dantzig, j’avais déjà lu <em>Le grand livre de Proust</em> qu’il a dirigé, le genre d’ouvrage
d’agrément qu’on aime lire confortablement installé dans le fauteuil avec à
portée de main une tasse de thé et quelques biscuits. Aussi, quand je vis ce <em>Dictionnaire égoïste de la littérature
française</em> à la bibliothèque du centre culturel français de Moscou, à propos
duquel j’avais d’ailleurs lu des articles élogieux, je le pris avec
gourmandise, me réjouissant de ce goût de France que grâce à lui j’allais retrouver chez
moi.</span></p> <span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Je lis rarement de livres se présentant sous forme
de dictionnaire. Je ne suis par exemple absolument pas cliente de la
collection des <em>Dictionnaire amoureux de</em>…,
même quand le sujet m’attire. Cette forme va à l’encontre de mon goût pour la
lecture continue, et je la suspecte d’être un alibi paresseux pour les auteurs
qui ne laissent pas l’œuvre en devenir leur imposer sa forme. Je fis exception pour l’ouvrage de Dantzig, dont la forme dictionnaire se prêtait idéalement au sujet; et par-delà les différentes entrées, il y avait une
unité réelle du livre.</span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Il y avait une unité de ton, faite d’érudition,
d’esprit, et de parti-pris esthétiques argumentés. Dantzig séparait nettement ses
goûts et ses dégoûts dans la littérature française, et il ne se gênait pas non plus pour
évoquer des écrivains étrangers. Il n’y a que les écrivains pour
tailler ainsi franchement dans le vif et mépriser les reconnaissances
obligatoires en assumant totalement leur point de vue. Je me souviens malgré
tout plus des œuvres qu’il admirait que de celles qu’il n’aimait pas. Les entrées
sur les écrivains qui l'enthousiasmaient étaient pleines de cette connaissance
amoureuse qui m’enchante : celles sur <a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/1992-1997-Marcel-Proust%2C-A-la-recherche-du-temps-perdu"><strong><em style="mso-bidi-font-style: normal;">La
Recherche</em></strong></a>, bien sûr, sur le théâtre de Racine, les <a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2006-Saint-Simon%2C-M%C3%A9moires-I-%28extraits%29"><em style="mso-bidi-font-style: normal;"><strong>Mémoires</strong></em></a> de Saint-Simon, ou les nouvelles de Scott Fitzgerald… Elle fut communicative, et je dois à Dantzig d’avoir lu des extraits des <em style="mso-bidi-font-style: normal;">Mémoires</em>, et d’avoir relu, après bien
des années et alors que je n’en gardais aucun souvenir, <em>Gatsby le Magnifique </em>en 2012. Je lui dois surtout la lecture du <em>Problème du style</em> de Rémy de Gourmont,
que j’achetai dans une vieille édition et lus également en 2012. Je suppose donc que mon achat de l'édition de poche du <em>Dictionnaire égoïste de la littérature française</em> et ma conséquente relecture eurent lieu la même année.<br /></span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Les réflexions de Dantzig sur le style et sur ce qui fait une œuvre
sont mes principaux souvenirs du <em>Dictionnaire.
</em>En lisant l’ouvrage de Rémy de Gourmont, je me rendis compte que nombre
de ces réflexions lui devaient beaucoup, notamment sa charge contre le bien
écrire. Il n’y a pas de romans mal ou bien écrits selon leur conformité à des
règles (éviter les répétitions, ne pas abuser des adjectifs, ne pas faire de
phrases trop longues, ou respecter les règles de construction d’un personnage,
d’un dialogue…), répétait-il, mais des romans écrits ou non écrits. Le roman écrit, c’est-à-dire
pensé par son auteur, un écrivain qui connait sa langue et utilise consciemment
ses ressources, crée ses propres règles. Dantzig donnait des exemples probants,
en premier lieu avec Proust qui utilise beaucoup d’adverbes de liaison
(cependant, toutefois, etc.) et des phrases très longues qui feraient se
récrier le responsable d’un atelier d’écriture… Plus que de ne pas abuser d’adjectifs,
il importait de bien les choisir. De plus, si le style, c’est l’homme, comme
disait Buffon, la répétition faisait l’originalité de l’œuvre. Deux digressions
dans un roman pouvaient être maladroites, cinquante digressions étaient le principe
formel de <em>Vie et opinions de Tristram
Shandy</em> de Laurence Sterne (lu en1999). Lecture plaisante, ce <em>Dictionnaire</em> fut aussi une leçon de
littérature. </span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Mais je ne peux terminer cette recension de mes bons
souvenirs sans un bémol. Je parlai d’érudition : celle-ci impressionne facilement
tant qu’elle parcourt des terres à nous inconnues ; qu’elle vienne sur les
nôtres, et des béances apparaissent. C’est ainsi que, évoquant, sans doute en
exemple des conséquences néfastes de l’engagement de la littérature en
politique, le poète Alain Bosquet qui avait commis un pamphlet contre Soljénitsyne
au moment de la publication de <a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/1988-Alexandre-Solj%C3%A9nitsyne%2C-L-archipel-du-Goulag"><em><strong>L’archipel
du Goulag</strong></em></a> (<em>Pas d’accord, Soljénitsyne !</em>
non noté, lu vers 1996), Dantzig en vient à écrire sur l’écrivain russe. En une page quel
ramassis d’erreurs factuelles ! Il y a également des illogismes au cœur du
texte : le
pamphlet est publié alors que Soljénitsyne est en prison, mais qu’il publie <em>L’Archipel</em>, où il évoque… ses années de
prison ! Le texte n’avait pas été relu attentivement. Cette page a
jeté <em>a posteriori</em> un doute sur la
fiabilité de celles déjà lues du <em>Dictionnaire
égoïste de la littérature française</em>.</span></p>
</span>http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2006-Charles-Dantzig%2C-Dictionnaire-%C3%A9go%C3%AFste-de-la-litt%C3%A9rature-fran%C3%A7aise#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/872006 - Saint-Simon, Mémoires I (extraits)urn:md5:fc49682da064b2501cd30fe81754baf72017-05-02T10:30:00+02:002021-03-26T12:28:10+01:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteCharles DantzigDickensGontcharovLittérature françaiseProustRenaud CamusSaint-SimonStéphane Viellard<p><a title="Saint-simon" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/Saint-simon.jpg"><img title="Saint-simon" style="margin: 0 1em 1em 0; float: left;" alt="Saint-simon" src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/Saint-simon.jpg" /></a><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Acheté, lu peu de temps après.</span></p>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Les éditions pour enfants proposent couramment des romans de la grande littérature dans une version abrégée et c’est dans une telle édition que je lus <em style="mso-bidi-font-style: normal;">David Copperfield</em> de Charles Dickens. Je n’ai pas de souvenir de cette lecture, mais bien de ma déception
quand je découvris que le livre ne me l’avait pas proposé dans son intégralité. Et quand, au moment de commencer le <a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillagedeslectures/index.php/pages/Une-oeuvre-en-cours"><strong>cahier des lectures</strong></a>, je notai les quelques classiques que je me souvenais avoir déjà lu, je ne me permis pas d’inscrire le roman de Dickens : un roman non lu dans sa version intégrale n’était pas lu !</span> <p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Je me promis alors de ne jamais lire de version abrégée, mais fis deux entorses à cette promesse. La première quand je lus des extraits d’<a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2001-Ivan-Gontcharov%2C-Oblomov"><em><strong>Oblomov</strong></em></a> en russe. J’avais déjà lu le roman de Gontcharov en français en 2001, lecture que j’avais adorée et qui fit d’Oblomov un de mes personnages préférés de la littérature. Quand je commençai à lire en russe vers 2002, j’achetai le manuel de Stéphane Viellard, <em>Lire les textes russes </em>qui me donna l'envie et le courage de relire le roman dans l'original. Je trouvai à la librairie du Globe une version bilingue, idéale pour moi, et passai donc sur le fait qu’elle ne présentait qu’une partie – mais très significative – du roman. Les coupures étaient si bien faites qu’elles étaient presqu’imperceptibles à celui qui connaissait déjà l’histoire. </span></p>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><p>
La deuxième exception concerne les <em>Mémoires </em>de Saint-Simon, dont les éditions Folio ont publié des extraits en trois volumes. Je n’en achetai qu’un : je ne lus donc même pas les extraits en entier… J'associais Saint-Simon à Proust, qui admirait les <em>Mémoires</em> et les fait lire à des personnages d’<a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/1992-1997-Marcel-Proust%2C-A-la-recherche-du-temps-perdu"><em><strong>A la recherche du temps perdu</strong></em></a>, la grand-mère du narrateur si je me souviens bien, et Swann si je m’en réfère à un souvenir indirect déjà <a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2014-Aur%C3%A9lie-Filippetti%2C-Les-derniers-jours-de-la-classe-ouvri%C3%A8re"><strong>évoqué</strong></a> et lié à ma lecture de <em>Du sens</em> de Renaud Camus. Un écrivain que l’on aime donne envie de lire les écrivains qu’il aime. Ce fut cependant une autre lecture qui me poussa à l’achat,
celle du <em><a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2006-Charles-Dantzig%2C-Dictionnaire-%C3%A9go%C3%AFste-de-la-litt%C3%A9rature-fran%C3%A7aise"><strong>Dictionnaire égoïste de la littérature
française</strong></a></em> de Charles Dantzig, faite la même année (2006). Dantzig est un
grand lecteur de la <em>Recherche</em> et j’appréciai
beaucoup les pages où il tente de définir cette œuvre géniale par ce qu’elle n’est
pas. C'est en lien avec Proust qu'il écrit également sur Saint-Simon ; il loue sa phrase incisive, ses
métaphores très dynamiques. Nous lui devons « être
bombardé » ministre, image si populaire pour dire une promotion très rapide qu’elle est devenue un cliché.<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>J’eus donc une certaine curiosité des <em>Mémoires</em>, mais n’avais pas envie de lire
les quelque sept mille pages qu’elles comptent...</p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Le refus de lire une œuvre abrégée repose sur le principe qu’une œuvre est une unité et que chaque partie est nécessaire au tout. S’il est des passages particulièrement beaux et réussis, ils le sont d’autant plus à nos yeux qu’ils
ont été préparés dans les pages précédentes par quelque détail, ou qu’ils
répondent à d’autres scènes du roman, ou par la rupture qu’ils provoquent dans le
rythme général de l’œuvre. Leur
beauté n’est pas seulement intrinsèque, elle tient aussi à leur relation au
tout. De même quand une œuvre comporte des longueurs : les raccourcir peut
bien rendre
le roman plus harmonieux sans rien enlever à l’efficacité de l’action, </span>les
longueurs en question peuvent être en soi une source de plaisir de lecture, et
en allongeant le temps de lecture, ancrer le roman dans la mémoire du lecteur. Des
mémoires, cependant, ne sont pas une œuvre
aussi achevée qu’un roman ou a fortiori un poème. Rarement conçues comme un tout,
avec sa cohérence et ses correspondances internes, plus lâches dans leur forme,
elles s’écrivent au fil de la vie. Il est donc plus justifié de n’en lire que les
belles pages pour en goûter toute la saveur, comme un vin est tout entier dans
une gorgée. </p>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Je garde de ces <em>Mémoires</em>,
outre un réel plaisir de lecture tant elles sont savoureusement écrites et que
l’homme Saint-Simon, intelligent, impétueux et injuste y apparaît entier, le
souvenir de quelques scènes marquantes et l’impression générale que la vie à la
cour de Versailles était épouvantable. La surveillance généralisée, la concurrence de tous, l'ennui aussi .. l’ennui qui fait trouver de très mauvaises blagues pour se venger d’un rival, comme débouler dans sa chambre au petit matin et verser dans les draps un baquet d’eau froide. Dans ce milieu clos et débilitant, les esprits
se damnent dans la mesquinerie. Saint-Simon n’en est pas exempt, d’ailleurs, à écrire
des pages sur le respect tatillon du protocole. Il ne s’agirait pas qu’un
aristocrate s’asseye sur un tabouret auquel ni son titre, ni l’ancienneté de
son lignage ne lui donnent droit ! </span></span><div><br /><div><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Ridicule, et cependant, travaillant dans un
grand groupe, j’observe de semblables susceptibilités sur le respect de la
hiérarchie, l’ordre de préséance et bien sûr l’accès privilégié au pdg. J’ai
alors une pensée émue pour Saint-Simon, qui y serait peut-être à son affaire. </span>
</span></div></div><div><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><br /></span></span></div>http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2006-Saint-Simon%2C-M%C3%A9moires-I-%28extraits%29#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/852007 - Etienne Klein, Les tactiques de Chronosurn:md5:62fcd02c699a543ec97974317545b4092017-01-27T10:48:00+01:002021-03-26T12:30:20+01:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteEtienne KleinFrançois JullienSciences physiques<p><a title="Chronos" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/.Chronos_s.jpg"><img title="Chronos" style="margin: 0 1em 1em 0; float: left;" alt="Chronos" src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/.Chronos_s.jpg" /></a><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Acheté, lu aussitôt, relu en 2013.</span></p>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">« Prenons le temps de savourer ce moment
hors du temps ». Le professeur de yoga accompagne de paroles la
respiration régulière des élèves. Nous faisons « la barque » ou « le
guetteur », postures peu naturelles ; malgré cela, par l’attention soutenue
que nous portons à notre respiration, nous arrivons à retrouver une certaine
aisance. La phrase du professeur, néanmoins, me distrait un instant de ma
respiration. Bien que je comprenne ce qu’elle signifie, son absurdité me frappe !
Je pense alors immédiatement à ma lecture des <em style="mso-bidi-font-style: normal;">Tactiques de Chronos</em> d’Etienne Klein, grâce à laquelle je suis devenue sensible
à ces illogismes qui abondent dans nos paroles dès que nous parlons du temps.</span> <p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">
J’entendis parler de ce livre à la radio, à peu près au moment
de sa publication ; je ne sais plus s’il s’agissait d’un entretien avec
Etienne Klein lui-même, auquel cas son goût pour la littérature, et sa capacité
à vulgariser des sujets de science physique, eurent certainement un rôle dans
ma décision d’acheter son livre et de le lire. J’en aimai en tout cas le titre ;
et le thème du temps m'intéressait. Je le lus deux fois. </span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">La deuxième fois, ayant décidé <a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2001-Fran%C3%A7ois-Jullien%2C-Du-temps">d’approfondir ma connaissance du
sujet</a>, je pris des notes, essentiellement sur le temps comme réalité physique,
et sur les différentes théories scientifiques pour tenter de le définir. Je n’ai
pas tout compris de cette partie du livre. La théorie des cordes, par exemple,
en vogue pour expliquer ce qu’est le temps, m’est restée bien obscure. Je constate
également que la prise de notes ne m’a pas permis de retenir précisément ce qu’écrit
le physicien. J’ai beau avoir noté ce que signifie la théorie générale de la
relativité, je suis incapable de me l’expliquer… Il faudrait que je rouvre mon
carnet. C’est une chose qui m’arrive souvent quand je lis des livres d’idées :
dans le meilleur des cas, une compréhension passive à la lecture, une idée
générale et confuse gardée en mémoire, et le fait de savoir où retrouver ces
idées si je les recherche plus tard. Bien que j’aie retenu quelques notions importantes liées au temps, l'irréversibilité, la causalité, il n’y a
pas d’appropriation réelle du savoir. Je ne fais pas ce que je faisais
étudiante : je ne cherche pas à mémoriser de manière active. Seuls se
déposent en moi quelques détails. </span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Et ces détails proviennent plutôt de ma première lecture, alors
qu’elle est plus ancienne. Elle s’était davantage arrêtée à ce que Klein
appelait notre tendance à "habiller" le temps de notions qui, pour aller avec lui, ne se confondent pas avec lui. Nous avons tendance, en effet, à
confondre par exemple le temps avec les événements qui ont lieu dans le temps.
L’expression « temps cyclique » désigne ainsi le fait que les mêmes
événements reviennent, non que le temps en lui-même revienne (ce qui
signifierait que le futur serait déjà passé, et donc que la causalité n’existerait
pas). Ou bien à confondre le temps avec ce qui le mesure. Klein se moquait
ainsi d’un auteur de science-fiction qui, pour montrer que le temps s’était
arrêté, avait écrit que les aiguilles de l’horloge s’étaient arrêtées ! Le
temps est ce qui permet au monde d’être : que le temps s’arrête, nous cessons d'être. Nous confondons également souvent le temps avec
ses effets, quand nous disons que le temps s’en va, alors que, l’écrivait Ronsard,
« le temps s’en va/ hélas, non, nous nous en allons ». Nous confondons
enfin le temps avec la perception que nous en avons, perception changeante,
parfois le temps passe vite, parfois il s’étire… Toutes ces questions de
vocabulaire, de perception subjective du temps, sont du livre ce qui eut le plus de
retentissement en moi. Et elles m’ont rendue très sensible à notre façon de
parler du temps. </span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">D’où ce rappel lorsque j’entendis cette phrase du professeur de
yoga : « Prenons le temps de savourer ce moment hors du temps. » Je me fis la réflexion que nous – la phrase du professeur
reflétait une façon culturelle de parler du temps, ça c’est un souvenir de ma
lecture de <a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2014-Fran%C3%A7ois-Jullien%2C-Du-temps-%282%29"><strong>« <em>Du temps</em> »</strong></a> de François Jullien – confondions tellement
le temps avec le mouvement, car le mouvement est ce qui nous permet de mesurer le temps, et avec le changement (effet possible du temps, et très réel sur nos
vies), que lorsque nous sommes immobiles, attentifs à notre respiration, qui
est une sorte de pulsation intime du temps, et en conséquence particulièrement
disponibles au moment présent, voilà que nous serions transportés « hors du
temps » ! Etonnant paradoxe, qui montre à quel point nous sommes
totalement prisonniers d’une conception du temps où le présent n’existe pas,
instant à peine arrivé qu’il est déjà passé. Et même un professeur de yoga,
initié à une philosophie indienne très consciente de notre inscription dans le
présent, s’empêtre dans notre vocabulaire courant, inadapté à une pensée du
présent. </span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><br /></span></p>http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2007-Etienne-Klein%2C-Les-tactiques-de-Chronos#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/842010 - Annie Ernaux, Les annéesurn:md5:8ba69f0b0c43bb413efd61da2882986d2017-01-03T21:27:00+01:002021-03-26T12:32:06+01:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteAnnie ErnauxLittérature française<p><a title="Les_annees" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/ http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/Les_annees.jpg"><img title="Les_annees" style="margin: 0 1em 1em 0; float: left;" alt="Les_annees" src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/ http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/Les_annees.jpg" /></a><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Emprunté à la bibliothèque, lu aussitôt.</span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Une émission de Finkielkrault ("Répliques" du 12 avril 2008) consacrée, en compagnie de l'écrivain, aux Années suscita pour ce livre une curiosité que je satisfis deux ans plus tard, quand mes préoccupations littéraires du moment me la rappelèrent.</span>
</p> <p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Je gardais pourtant un souvenir médiocre de <em>La femme gelée</em>, unique roman d'Annie Ernaux que j'avais lu, en 1998. Histoire de la soumission d'une femme au destin que la société lui assigne, le mariage et la maternité comme seul horizon, et de sa rébellion finale, qui la conduit à divorcer et à assumer l'ambition de mener une vie indépendante, le roman me donna l’impression de lire un de ces récits autobiographiques de lectrice que le magazine Marie-Claire publiait chaque mois, récit intéressant comme l'est n'importe quel récit de vie, mais sans portée littéraire. Je garde le souvenir d'un style oral, où toutes les voix étaient absorbées dans le "moi, je" sentimental de la narratrice. Comme je sortais de la <em>Correspondance</em> de Flaubert, et qu'Annie Ernaux est native d'Yvetot, le village normand où habitent les Bovary, l'analogie était toute trouvée : j'eus le sentiment de lire un récit écrit par Madame Bovary elle-même sur sa vie. </span>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><br /><br />Le projet des <em>Années</em>, « autobiographie impersonnelle et collective » m’intrigua assez pour que je retourne vers Ernaux : j’y entendais la promesse d’une autre façon d'inscrire l'individu dans la temporalité historique. Je pris quelques notes sur son livre, et notamment cette phrase où elle explicite son projet, qui est de "capter le reflet projeté sur l'écran de la mémoire individuelle par l'histoire collective". Car il est une intuition juste dans cette proposition, dont une des conséquences m'est confirmée par l'écriture du Maillage des lectures. Combien de fois, recherchant des souvenirs d'une lecture, ai-je dû reconnaître que, loin d'être personnels, les souvenirs recueillis appartenaient à la mémoire collective ? Je l'ai évoqué à propos de ma lecture de <a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/1987-Victor-Hugo%2C-Notre-Dame-de-Paris"><em><strong>Notre-Dame de Paris</strong></em></a> : il peut être difficile de discriminer les souvenirs, de savoir si telle image qu'on s'est forgée de l'œuvre est le fruit de notre imagination, ou bien si elle est la reprise inconsciente de l'imagination d'une autre personne ou de l'imaginaire collectif. L'air du temps érode l'individu et contribue, entre autres éléments, à le façonner. Nous sommes même en partie composés de l'imaginaire dominant l'époque dans laquelle nous vivons. <br /><br /></span>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Dans <em>Les Années</em>, Annie Ernaux tente de restituer cette porosité entre l'individu et l'air du temps à travers l'exemple de sa vie ; elle respire à nouveau l'atmosphère qui a accompagné ses années passées, chargée de mœurs, de sentiments, d'événements... Son projet fonctionne au mieux pour l'évocation des années cinquante et soixante, soit sa jeunesse, moment d’évolution rapide et générale des mœurs et des mentalités. Il parvient à animer les lieux communs de notre histoire : la lente prise de conscience, à travers les récits de la génération précédente, de ce que fut la guerre, le regret d'être né trop tard, l'intense désir de posséder des objets, l'émotion attachée aux premiers appareils ménagers entrant à la maison... Les faits sont remémorés à travers la sensibilité d'une enfant, puis d'une jeune fille, partagée largement si bien qu'Ernaux utilise volontiers le "nous" ; je fus touchée par cette manière de dire l'histoire, qui sonnait juste, et ne s'embarrassait pas de didactisme, ni de jugement.</span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"> </span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Je fus gênée cependant qu'elle ne décollât pas beaucoup de la sociologie – sa vision de l’histoire est essentiellement sociologique. Une époque, c'est aussi des formes, une réalité spirituelle... Je fus également gênée par une impression de passivité de son « je ». Et je songe aujourd'hui à la métaphore qui est au cœur de son projet, "l'écran de la mémoire individuelle". Elle compare la mémoire à une surface lisse et vierge qui, certes, renverrait l'image projetée par l'histoire collective selon sa sensibilité propre, mais ne la travaillerait pas, n'en nourrirait pas sa réflexion. « Une autobiographie impersonnelle et collective» qualifie-t-elle son livre : l’individu est une interface entre l’intime (impersonnelle) et la société (collective), accueil passif et mou des grands courants sociaux, sans résistance, sans critique, sans marque personnelle tant l’individu semble entièrement façonné par le collectif.</span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">On entend un peu le retentissement sur elle de l'histoire politique au moment de Mai 68 : prise dans la ferveur politique, le professeur de français qu'elle est devenue s’engage, notamment dans la lutte pour le droit à l'avortement. Mais à partir de cette période, justement, le récit perd de sa force. Car l'histoire collective dont elle veut capter le reflet est alors écrite dans un esprit partisan, sans recul par rapport à ses positions, sans réflexion sur le fait que nous sortons du récit collectif, unifiant, de l’histoire pour entrer dans un passé proche, parcouru de mémoires distinctes, conflictuelles, politiques. Aussi fus-je encore moins convaincue par l'évocation des décennies plus récentes. Elle bascule totalement dans les lieux communs d'un groupe, les intellectuels de gauche (j'assume cette grossière approximation), avec sa certitude de bien penser. Son récit devient très factuel, et verse dans une synthèse politico-sociologique. Il est possible également que, ayant moi-même des souvenirs de ces années-là, j'aie été plus sensible aux émotions convenues face aux événements : je crois me souvenir de sa grande fierté à l'abolition de la peine de mort, de son indignation devant les calembours racistes de Le Pen, de son horreur à voir à la télévision les tours du World Trade Center attaquées... Alors qu'elle est contemporaine d'une nouvelle transformation inouïe de la société, sa sensibilité n'en semble pas marquée. Est-ce en raison de son âge plus avancé ? Elle semble avoir peu à dire sur les années récentes.</span>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><br /><br />Pourtant, par deux scènes symétriques
d'un déjeuner familial, l'un quand elle était enfant,
l'autre en grand-mère, elle montre mieux que beaucoup l'évolution de la société. Le premier
déjeuner était dominé par les adultes, dont la
parole se déployait en longs récits que tous
écoutaient sans interrompre, récits de guerre ; au cours
du second, les répliques des plus jeunes fusent sur tout et
rien, puis chacun prend des nouvelles d'autrui et s'assure que sa vie
vaut bien celle des autres. C'est dit sans appuyer, sans se lamenter :
au lecteur d'en tirer les conclusions qu'il veut, en fonction de sa
sensibilité propre. La mienne ici – et le fait même que je
me souvienne de ces scènes symétriques – doit à
l'insistance de Finkielkrault, dans son émission, sur la perte
du sens de la transmission que l'on pouvait y lire. </span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">En fin de compte, sans avoir vraiment aimé ce livre d'Ernaux, j'en reste marquée. <br /></span></p>http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2010-Annie-Ernaux%2C-Les-ann%C3%A9es#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/832006 - Iouri Rytkhéou, L'étrangère aux yeux bleusurn:md5:0b819922e67669424e17b65ef39212762016-11-08T11:02:00+01:002021-03-26T12:35:05+01:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteAmadou Hampâté BâIouri RytkhéouLittérature folkloriqueLittérature japonaiseLittérature russeMona Chollet<p><a title="Rytkheou" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/.Rytkheou_s.jpg"><img title="Rytkheou" style="margin: 0 1em 1em 0; float: left;" alt="Rytkheou" src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/.Rytkheou_s.jpg" /></a></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Prêté par une collègue, lu aussitôt.</span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">La collègue était attirée par les peuples du Grand Nord : Rytkhéou est tchouktche et les Tchouktches sont un peuple nomade de la Sibérie extrême-orientale.
Toute personne vivant un peu en Russie se familiarise vite avec le nom
de ce peuple objet de nombreuses blagues raillant leur
simplicité d'esprit, le comble quand on sait que les Russes
affectionnent les contes célébrant la bienheureuse
idiotie, et qu'un de leurs plus fameux personnages est le prince
Mychkine ou <em><strong><a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/199-F%C3%A9dor-Dosto%C3%AFevski%2C-Les-d%C3%A9mons">L'Idiot</a></strong></em>...
Contrairement à mon habitude, je me laissai convaincre de lire un roman où l'on apprend
des <a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2014-Aur%C3%A9lie-Filippetti%2C-Les-derniers-jours-de-la-classe-ouvri%C3%A8re">choses intéressantes</a>, sur le peuple tchouktche. </span>
</p> <p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Je n'ai aucune attirance particulière pour les
peuples du Nord, mais là n'est pas la question. Attachée à
un personnage, je suis prête à le suivre partout, quelle que
soit sa culture, quelle que soit son époque, même si a
priori ni l'une ni l'autre ne m'attirent. C'est donc en
conséquence de cet attachement au personnage que j'accepte de
voyager dans le temps et dans l'espace, et que je découvre un
mode de vie autre, une pensée étrangère. Pourquoi
pas les Tchouktches ? Mais je veux un roman. Pas un artifice romanesque
prétexte à un exposé sur des us et coutumes. </span></p>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Iouri
Rytkhéou tombe malheureusement dans ce travers avec <em>L'étrangère aux yeux bleus</em>.
L'étrangère est une jeune ethnographe russe venue
étudier une tribu tchouktche. Ne reculant devant aucun sacrifice, elle décide de devenir la
femme de l'un d'eux uniquement pour le bien de son étude. Elle
découvre, et l'auteur derrière elle nous décrit,
le mode de vie traditionnel, menacé par la société
industrielle moderne incarnée ici par le soviétisme (mais le roman
n'est pas une critique en règle de cette société), et
les rites chamaniques. Elle s'assimile si bien à la tribu que
c'est à elle que le chamane transmettra le secret des rites. Malheureusement, le personnage
de l'ethnographe est inconsistant et en devient improbable ; les extraits de son journal
de bord sont risibles tant la voix intérieure de la femme sonne
faux. Quant aux nomades, ils font partie d'un décor, celui de la
tradition millénaire qu'ils représentent. Nous ne savons pas ce qu'ils
pensent de cette femme étrangère venue s'installer parmi eux. Je fus
agacée dans ma lecture par cette pseudo-fiction mal
fabriquée. J'aurais préféré un récit de Rytkhéou sur son peuple, un
témoignage sur son propre itinéraire, ou un essai, quitte à ce que
celui-ci
comprenne des récits de nature romanesque, dans la veine de
Soljénitsyne ou de Svetlana
Alexievitch. Il
y aurait plus de romanesque dans un tel récit que dans une fabrication
estampillée "roman" parce que c'est le
genre qui se vend le mieux.<br /><br /></span>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">L'autre
chose qui me gêna fut que je sentais le roman
écrit pour le lecteur non-tchouktche. Je comprends que c'est
inévitable dans le cas de Rytkhéou : son peuple
comprend 15 000 âmes (m'apprend Wikipédia), le lectorat est
forcément très restreint. L'écrivain a
écrit dans sa langue natale, mais il a surtout écrit en
russe. Il est littéralement l'ethnographe de son propre
peuple et, du moins dans ce roman, je ne peux juger du reste de son œuvre, la littérature pâtit de sa volonté
d'expliquer, de faire connaître. Cela donne une
littérature folklorique. J'éprouvai le
même sentiment quand je commençai à lire <em>Amkoullel l'enfant peul</em>
d'Amadou Hampâté Bâ, emprunté vers 2012, et que je ne terminai pas. J'avais laissé un devoir moral dicter mon choix. J'avais
remarqué, en feuilletant le <a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/pages/Une-oeuvre-en-cours"><strong>cahier des lectures</strong></a>, que je lisais
seulement de la littérature européenne et américaine. Par ailleurs, les
littératures française, russe, et anglophone (Royaume-Uni, Irlande,
Etats-Unis) étaient de très loin majoritaires. Me reprochant un manque
de curiosité, je me dis qu'il fallait découvrir d'autres
littératures et changer de continent. Dans cet état d'esprit, je
parcourai le rayonnage de la littérature africaine dans une bibliothèque
municipale de Paris et, reconnaissant une couverture déjà vue en
librairie, saisis ce livre d'Amadou Hampâté Bâ, souvenirs de l'écrivain
malien. La quatrième de couverture aurait dû m'alerter : l'auteur était
devenu haut fonctionnaire international, son récit était plein de
chaleur et d'humanisme... plein de bons sentiments, aurais-je dû
traduire. Le livre s'adressait à l'ancien colonisateur : je vous
explique d'où je viens, mon pays, ses tribus, nos mœurs, qui sont
aussi pleins d'humanité que les vôtres. Regardez-nous, nous sommes
ainsi, nous parlons comme cela, et que de pittoresque ! Je m'arrêtai avant la centième page, ennuyée.</span>
<br /><br /><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Ne
lisons pas par devoir. Je lis parce que, d'une manière ou d'une autre,
je me sens appelée par cet écrivain, cette œuvre-là. Je n'ai pas le
goût de l'exotisme, ni de curiosité universelle ; pour que je voyage,
il faut que je sache que quelque chose, là-bas, est pour moi, m'attend.
Et tant pis si jamais je n'entends d'appel vers tel rivage lointain.
Mais si je l'entends, j'irai. Et je lirai un écrivain qui écrit pour
lui, pour un lecteur universel, et qui n'explique pas d'où il parle. La
littérature russe m'a déjà appris à me débrouiller avec des noms
inhabituels, des réalités inconnues de mon quotidien. Le traducteur
fera le reste avec quelques notes en bas de page pour lever les
obstacles importants à la compréhension du texte. C'est ainsi que,
attirée par ce que l'essayiste Mona Chollet en dit dans son <em>Beauté fatale</em>, lu en 2012, j'ai commencé à lire des textes japonais : <em>Eloge de l'ombre</em> de Junichirô Tanizaki (lu en 2013), le manga <em>Quartier lointain</em> de Jirô Taniguchi (offert, lu en 2016), et que j'ai acheté les <em>Notes de chevet</em> de Sei Shōnagon, toujours après avoir lu Mona Chollet sur ce livre.<br /><br /></span> <br />http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2006-Iouri-Rytkh%C3%A9ou%2C-L-%C3%A9trang%C3%A8re-aux-yeux-bleus#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/822014 - Aurélie Filippetti, Les derniers jours de la classe ouvrièreurn:md5:fda7d2cf4a2fea016237add6c01cf4842016-10-12T14:38:00+02:002021-03-26T12:36:54+01:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteAurélie FilippettiLittérature françaiseMalaparteProustRenaud Camus<p><a title="Classe_ouvrière" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/Classe_ouvri%C3%A8re.jpg"><img title="Classe_ouvrière" style="margin: 0 1em 1em 0; float: left;" alt="Classe_ouvrière" src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/Classe_ouvri%C3%A8re.jpg" /></a></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Emprunté à une amie, lu aussitôt.</span></p>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">L'occasion
fait le lecteur : en vacances chez des amis, vous regardez la
bibliothèque, et apercevez un livre qui suscite votre curiosité. Vous
en avez entendu parler, vous en avez lu des critiques élogieuses ou
assassines. Pour peu que vous ayez négligé d'emporter un livre ou que
celui que vous avez vous ennuie, et que le livre de vos amis soit assez
court pour être lu pendant le temps de ce séjour, vous demandez si vous
pouvez le prendre. L'hôte vous l'accorde bien volontiers, et approuve
en ajoutant : "Tu verras, c'est intéressant." Alerte !</span> <p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">L'adjectif
"intéressant" est probablement celui qui vient le plus souvent,
et souvent en premier quand on veut qualifier un livre ou un film dont
on discute avec une connaissance. "C'est bien ?" demande-t-elle. On a
envie de répondre avec un adjectif qui résumerait son opinion sur l'œuvre, car on sent que la personne qui pose la
question n'a pas forcément l'envie de suivre les méandres
d'une réflexion. Or un tel niveau de synthèse demanderait
qu'on ait au préalable analysé l'œuvre et son rapport
à l'œuvre, puis qu'on ait la capacité de ramasser le
résultat d'une telle analyse en un seul adjectif ; autant dire
que ce véritable travail d'écrivain demande
également un peu de temps... Si l'on n'est pas ébloui par
l'œuvre, ni submergé par l'émotion, ce qui se traduirait par des "magnifique, passionnant, génial" (on ne
prétend pas à l'originalité), on se rabat alors
sur cet adjectif de secours, "intéressant", lieu commun du
jugement qui invoque généralement le sujet de l'œuvre.
Il ne s'agit pas d'un jugement esthétique, mais d'un jugement
moral, celui qu'on est le plus enclin à porter, même sur
une œuvre d'art. </span></p>
<p><span style="font-size: 9pt; color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">C'est Renaud Camus, dans <em>Du sens</em>
(lu en 2002) qui m'a ouvert les yeux à ce sujet. Analysant le
rapport au sens de divers personnages chez Proust, il s'attarde sur les
deux vieilles tantes du narrateur et leur façon de porter un
regard moralisant sur tout, qui les rend incapables d'apprécier
le choix d'un mot, la beauté d'un tour, parce que ce qui est en
cause est moralement répréhensible (il me semble que
c'est à propos d'une phrase de Saint-Simon, un des
écrivains favoris de Proust). Elles citent en revanche
avantageusement un livre qu'elles ont lu, qu'elles qualifient
d'intéressant, et elles invoquent son sujet... un ouvrage
sur les coopératives suédoises, tout ce qu'il y a de plus
intéressant, dit à peu près la phrase. Par ce
choix comique, les coopératives suédoises devant
intéresser peu de monde, Proust attire l'attention sur une
lecture courante, celle qui ramène la réussite de
l'œuvre à la nature de son sujet. Il suffit de lire les
articles de presse, d'écouter les autres, de s'écouter
soi, pour le reconnaître : le plus souvent, on ne parle que du
sujet. Cela peut signifier deux choses : soit on est incapable de
porter un jugement esthétique ; soit l'œuvre ne
décolle pas de son sujet et elle est donc ratée. Par
indulgence, on la crédite malgré tout d'une bonne
idée de départ, d'un sujet intéressant.</span>
</p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Ainsi, quand cette amie m'a dit que<em> Les derniers jours de la classe ouvrière*</em>
d'Aurélie Filippetti était intéressant, me suis-je
doutée que le livre allait être mauvais. Car sa phrase,
qui dans sa bouche était de nature élogieuse (d'un éloge mesuré), rejoignait
ce que j'avais lu dans les journaux, qui avaient tous mis l'accent sur
l'intérêt du sujet. Ce n'était pas les
coopératives suédoises, certes : c'était les
ouvriers d'origine italienne travaillant dans la sidérurgie
près de la frontière luxembourgeoise, et l'on ne parle
pas beaucoup du Luxembourg dans la littérature. </span>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Il
s'agissait des dernières années avant que la fin de l'industrie
sidérurgique ne dévaste la région ; les dernières années d'existence
d'ouvriers ayant une conscience de classe et attachés à leur dur métier
parce que le mode de vie qu'il nécessitait était porteur d'une culture,
qu'ils opposaient à celle des bourgeois. </span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">L'auteur est
devenu par la suite ministre de la Culture, et d'aucuns se sont réjouis
qu'à nouveau, après Malraux, un écrivain prenne la tête de ce
ministère. Erreur, non seulement parce qu'Aurélie
Filippetti ne fut pas un grand ministre, mais parce que la lecture de son roman montre qu'elle est
davantage une militante en littérature qu'un écrivain en politique. Le
dispositif littéraire de son livre, le retour au pays d'une
descendante, témoin de ces dernières années, qui au détour du paysage
se souvient du pays qu'elle a quitté, ne change rien à sa nature
documentaire. L'aspect plus personnel de son roman se réduit à des
anecdotes familiales qui, encadrées par l'histoire sociale,
n'entretiennent pas de lien formel nécessaire avec elle. L'hommage
qu'elle rend à sa famille perd de sa pertinence ; celui qu'elle rend
aux ouvriers ressemble à un hommage d'élu politique, moralisateur et convenu.
Et si on peut la remercier d'avoir au moins évité l'emphase, autre défaut propre à l'orateur politique, on regrette la platitude de l'ensemble. </span></span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Faute d'être littéraire, l'hommage rate et accomplit le contraire : il renvoie ceux qu'il voulait honorer dans
l'oubli. Ainsi évoque-t-elle le cas d'un ouvrier, qu'une chute fait disparaître à jamais dans un haut
fourneau. Elle le fait en une page – tout le monde est sous le choc, c'est
terrible, on arrête de travailler – puis enchaîne sur un souvenir de
famille. De cet événement atroce, elle ne fait rien. Il faut que le
lecteur fasse un grand effort pour s'arrêter sur ce passage, imaginer
ce qui n'est pas écrit. Voulait-elle signifier que c'était de l'ordre
de l'indicible? Rien de la sorte. J'ai rêvé à ce qu'un Malaparte,
dont j'avais lu <em>Kaputt</em>
l'année précédente, aurait pu écrire à partir d'un tel fait. Faute de
talent, l'ouvrier avait été englouti une seconde fois. </span></span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Ne nous contentons pas de romans au sujet intéressant !<br /><br /><em>* Je ne suis pas sûre de l'illustration choisie : je l'ai peut-être lu en poche.</em><br /></span></span></p>http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2014-Aur%C3%A9lie-Filippetti%2C-Les-derniers-jours-de-la-classe-ouvri%C3%A8re#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/812012 - Dmitri Glukhovsky, Metro 2033urn:md5:450122f6158989cc479549ff6ff77a262016-09-20T10:20:00+02:002021-03-26T12:38:30+01:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteDmitri GlukhovskyLittérature russeRay BradburyScience-fiction<p><a title="Metro_2033" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/Metro_2033.jpg"><img title="Metro_2033" style="margin: 0 1em 1em 0; float: left;" alt="Metro_2033" src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/Metro_2033.jpg" /></a></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Emprunté, lu aussitôt.</span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><em>Metro 2033</em>
est une exception dans mes lectures. Il est un des rares romans lus
pouvant être qualifiés de <em><a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2016-Delphine-de-Vigan%2C-Dapres-une-histoire-vraie"><strong>page turner</strong></a></em>, que je n'ai d'ailleurs pas lu en
été, pourtant leur saison favorite paraît-il. C'est également le seul ouvrage de science-fiction lu : je n'ai
jamais ouvert de Jules Verne, et le seul titre qui s'en rapprocherait, <em>Les chroniques martiennes</em> de Ray Bradbury, lu en 2000, relève à mon sens davantage de la poésie. Le roman me fit surtout voyager dans mon propre passé russe. </span></p> <p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Il
m'a
été prêté par un ami qui en parlait bien et
avait éveillé ma curiosité ; le livre, dont
l'intrigue se déroulait
entièrement dans le métro de Moscou, pouvait
m'intéresser. Je connaissais en effet le métro moscovite
pour y avoir circulé pendant trois bonnes années ; connaître les lieux
où se déroule
l'action d'un roman incite souvent à le lire. D'une part, on
est aidé dans sa représentation des descriptions ;
d'autre part, on compare avec la propre image que l'on a des lieux,
image que l'on a tendance à confondre avec la
réalité. Je ne cherche pas, cependant, à vérifier la fidélité de
l'écrivain à cette réalité ; je suis curieuse de lire ce que l'écrivain
fait des lieux, comment il les utilise pour dérouler l'action, y
(dé)placer ses personnages ; je suis curieuse de voir si les
personnages en sont
marqués. J'aime voir, finalement, ce que l'écrivain a vu
dans ces lieux, ce qu'il a ressenti ; si cela correspond à ma
propre expérience ou si, grâce à lui, je vois
autrement ces lieux que je pensais bien connaître. </span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><em>Metro 2033</em> relève du genre apocalyptique (une catastrophe
nucléaire a
ravagé la terre et oblige les survivants moscovites à
survivre dans les profondeurs de leur métro) et de l'utopie
(dans les stations du métro s'organisent différentes
sociétés, qui marchandent ou guerroient entre elles,
occasion de confronter les idées politiques et les croyances
religieuses). L'histoire serait peu crédible dans le cas
du métro parisien, mais elle l'est assez pour le métro de
Moscou. Creusé à
une profondeur d'environ 100 mètres, il a déjà
accueilli les moscovites
lors des bombardements de la ville par les Allemands en 1941. Les
stations sont grandes, plus de 100 mètres de longueur précise
Wikipédia, hautes de plafond,
et leur disposition, les rails sur les côtés et une large
plateforme au centre,
permet de se tenir à un grand nombre de personnes. Dans le roman de Glukhovsky, les hommes forment des sociétés statiques, campant dans les stations où chacune a trouvé refuge. Pas de foule en mouvement alors que mon principal souvenir du métro est la présence </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;">quasi
permanente de cette foule, toute heure de la journée étant de pointe... </span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;">La
foule forme de grands courants qui vont dans de multiples
directions, sorties, correspondances dans une autre salle ou sur le quai d'en face, dans lesquels il
faut rapidement se couler pour
être ensuite porté là où l'on souhaite. Pas
de temps pour l'hésitation, qu'éprouve fatalement le
nouveau voyageur. Malheur à celui qui s'est trompé
de
direction et qui doit s'extirper de la foule pour que chaque pas ne
l'entraîne loin de sa destination. Bringuebalé de corps en
corps, il se heurte à l'hostilité tant il perturbe le
rythme général dans lequel chacun fait l'effort de
se tenir, et hors duquel on tombe. Le rythme est irrégulier,
marqué par les lieux traversés, plus lent quand il faut
descendre des escaliers aux marches érodées par les flots
passés, inégales et glissantes, plus rapide quand une
employée du métro, au physique invariable de matrone,
accélère la cadence pour dégager les passages.
Après un temps nécessaire d'adaptation et une fois les
directions repérées, le voyageur aguerri que
j'étais devenue sut utiliser les courants pour arriver
rapidement là où il voulait, et maudissait au passage et
en russe ces gêneurs de touristes, souvent français, venus
encombrer les stations pour admirer les statues
et peintures réalistes socialistes qui les ornent. </span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Glukhovsky privilégie pour
l'action les
longs tunnels entre les stations, </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif;">propices à une forme de terreur et de fantastique</span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria, serif; font-size: 9pt;">. Seuls quelques aventuriers,
dont le héros Artiom, empruntent ces conduits pleins de
sons étranges, de frôlements humides, de créatures
hostiles plus ou moins humaines, pour aller de station en station. Ce n'étaient pas, nécessairement, les lieux que j'avais fréquentés. Cependant, l'atmosphère fantastique du roman me rappela
un de mes voyages en métro. Il est une
légende urbaine – mais très probable – selon laquelle il
existe un second réseau métropolitain, construit encore
plus en profondeur, et qui relie entre eux les lieux
stratégiques du pouvoir russe : le Kremlin, la Loubianka,
siège de la police politique, et sans doute d'autres lieux. Il
permettrait d'évacuer, en cas de guerre ou de catastrophe, les
hommes de pouvoir. Une après-midi, alors que je prenais ma ligne pour rentrer chez moi après le travail, je m'aperçus que le
train
mettait beaucoup plus de temps que d'habitude à entrer dans la station suivante ;
celle-ci aurait déjà dû être atteinte. Or il ne
cessait de rouler dans le noir sans qu'aucune voix
n'explique le changement de situation. Je vis alors que la rame
était quasiment vide. Les quelques visages présents, marqués d'ombres par le faible éclairage, étaient
impénétrables ; ils ne montraient aucun signe
d'étonnement. Le train roulait vite, comme s'il
savait pouvoir prendre son élan, que l'arrêt suivant était encore très
loin. Je me regardais dans la
vitre obscure, cherchais vainement un indice – le tunnel rarement
éclairé n'indiquait rien. Nous foncions nulle part. Soudain je pensai
à la légende du second métro. Nous avions
bifurqué sur un autre chemin ! Sans que rien n'en soit dit, le train
courait à toute allure vers des stations inconnues, cachées dans les
profondeurs souterraines de la ville. J'eus l'impression que les roues
décollaient des rails et que le train accélérait, dans l'urgence d'atteindre le lieu inconnu. Pendant un long
moment, j'eus le cœur inquiet. Le Kremlin, la Loubianka ? </span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Glukhovsky fait marcher son héros dans les
stations de la ligne circulaire, ce qui permet de croiser sur les
autres lignes une quantité d'organisations sociales
différentes sans s'éloigner du centre de la ville. Comme souvent dans ce genre d'histoire, le héros est
un orphelin, et la mission qui lui est conférée, totalement oubliée
naturellement, avec les dangers qu'il devra affronter, est une quête de
la vérité, de soi et du monde. Les sociétés rencontrées sont issues
tout droit de l'histoire du XXème siècle, avec des anarchistes, des
capitalistes démocrates, des confréries religieuses, des bolchéviques et des nazis,
les plus terribles. Le roman me parut symptomatique de l'état d'esprit
russe en général, et en particulier après la chute de l'Union
soviétique, idéologiquement dénudé, perdu dans le bazar des organisations sociales existantes à la recherche d'une nouvelle certitude,
séduit par quelques-unes puis les rejetant toutes. </span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Lors
d'une sortie en surface, Artiom rencontre sa vérité métaphysique,
totalement oubliée aussi même si, sur le moment, j'appréciai le sens
que l'auteur donnait à l'aventure de son héros. Mais qu'importent les
réponses ? </span></p>http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2012-Dmitri-Glukhovsky%2C-Metro-2033#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/802016 - Delphine de Vigan, D'après une histoire vraieurn:md5:94be046c062df2b6031d18e6ed29d88a2016-08-07T11:48:00+02:002022-02-09T14:14:02+01:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteDelphine de ViganJaime SemprunLectures d étéLittérature françaiseOlivier ReyPierre Mari<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/.Vigan_s.jpg"><img title="Vigan" style="margin: 0 1em 1em 0; float: left;" alt="Vigan" src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/.Vigan_s.jpg" /></a>Emprunté à la bibliothèque, lu aussitôt.</span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Eté 2016, je retourne chez mes parents. Un congé parental me permet de faire ce que je ne pouvais plus faire depuis des années, m'éloigner de Paris pendant deux mois, et vivre les grandes vacances de la jeunesse. Bénévole dans une bibliothèque dite pour tous, ma mère me proposa d’emprunter <em>D'après une histoire vraie</em> de Delphine de Vigan, publié peu de temps auparavant, pour que je le lise car elle avait aimé l’habileté de sa construction narrative et était curieuse de mon avis. </span></p> <p><span style="font-size:9.0pt;line-height:115%;font-family:
"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";color:#330033">Je n’avais lu aucun livre de cette autrice. J’acceptais, pensant à la critique sévère que l’écrivain <a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2012-Pierre-Mari%2C-R%C3%A9solution"><strong>Pierre Mari</strong></a> en avait faite : j’apprécie tellement ses critiques qu’elles me donnent envie de lire même les livres qu’elles éreintent ! Le roman m’intéressait d’ailleurs par son thème, la part de fiction dans tout écrit autobiographique, et d'autobiographie dans toute fiction. Jouant avec son propre itinéraire, Vigan met en scène une relation perverse entre un écrivain tentée par un retour à la fiction après un grand succès dans le genre de l'autofiction, et une lectrice intransigeante qui voudra bientôt l'en empêcher à tout prix... cette lectrice n'étant peut-être qu'un double fictif issu de l'écrivain dépressif. Hélas, j’ai trouvé que cela tournait très vite en rond tant Vigan reste à la surface des choses. La pauvreté du style, la reprise tels quels des pires poncifs en vogue, comme l’expression « personne ressource » qui avait tant révulsé Mari, me répugnèrent également. L’habileté narrative, dont je suis convenue, n’était pas suffisante pour soutenir mon intérêt. J’ai senti Vigan peu impliquée dans son écrit : comment le serait-on soi-même ? Je le lisais le soir dans mon lit : le mystère de la lectrice n'était pas assez intriguant pour que le livre empêche les paupières de s'alourdir. Vigan avait pourtant voulu écrire un <em>page turner</em>, disait-elle dans les entretiens, un roman facile à lire, riches de personnages et d’intrigues prenantes, l’équivalent pour les nourritures spirituelles du paquet de chips pour les nourritures corporelles, ça occupe machinalement la main et se dévore sans nourrir. Même de ce point de vue, c’était raté pour moi. </span>
<p><span style="font-size:9.0pt;line-height:115%;font-family:
"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";color:#330033">Il paraît que le <em>page turner</em> est par excellence un livre d’été : la saison chaude évoquant un temps long, plus libre des contraintes sociales, on a envie de se plonger dans un gros roman ; mais comme on est en vacances, on n’a pas envie de faire d’efforts pour comprendre – d’où la lecture facile exigée, sans regard pour la qualité littéraire du roman. Je dois dire ne pas comprendre ceux pour qui le sujet ou l'intrigue suffisent à divertir, même si le roman est mal écrit, et encore moins, peut-être, quand la matière en est pauvre. La question est bien là, et est pourtant rarement abordée. Il est courant d'alterner lectures sérieuses et lectures plus faciles. Mais le lecteur qui aime la littérature voudra être nourri aussi par ses lectures divertissantes ; que l'écrivain ait de l'ambition pour son roman divertissant, qu’il ait fait son métier et qu'il s'y soit impliqué encore une fois, condition a minima pour qu’on aille à sa rencontre.</span></p>
<p><span style="font-size:9.0pt;line-height:115%;font-family:
"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";color:#330033">La notion même de livre d’été m’est étrangère : ce qu’elle présuppose me paraît douteux. En effet, en dehors de l'été on n'a pas le temps de lire, dit-elle : cela signifie que la littérature, sans parler des livres de sciences humaines, n'est pas prioritaire dans nos vies ; elle arrivera en fin de liste des choses auxquelles on consacrera de ce temps qui est notre seul bien. Pourtant, la notion de livre d'été qui ne demande pas trop d'effort suggère que le reste de l'année, le même lecteur n'aurait que des lectures où il s'impliquerait, exigeant concentration, réflexion, voire méditation, et donc qu'il y consacrerait du temps ! Je crains que ceux qui l’été n’aiment que les lectures « faciles » les aiment toute l’année ou lisent peu.</span></p>
<p><span style="font-size:9.0pt;line-height:115%;font-family:
"Cambria","serif";mso-bidi-font-family:"Lucida Sans Unicode";color:#330033">Je me suis demandé si j'avais des lectures propres à la période des vacances d'été. Si je prends l'exemple de cette année, particulière en cela que mes longues vacances ne m'ôtent pas la principale contrainte de ma vie actuelle, m'occuper d'un bébé, j'ai emporté deux livres achetés récemment, l'essai du philosophe Olivier Rey <em>Une question de taille</em> (lu) et celui de Jaime Semprun <em>Défense et illustration de la novlangue française</em> (en cours de lecture). Ces livres ne sont pas difficiles à lire, ni très longs, mais leurs auteurs étant fort impliqués dans leur réflexion sur des sujets graves, ils impliquent forcément le lecteur. Ils ne sont pas du tout estampillés livres d'été ! Contrairement à ce que disent les médias, les vacances d'été avec leurs plages de temps plus longues m'ont longtemps permis de me consacrer à une lecture de longue haleine, demandant de la concentration. J'ai le souvenir d'avoir enfin eu le courage d'ouvrir <em>Le monde comme volonté et comme représentation</em> de Schopenhauer un jour de l'été 1999 quand j'étais reposée, et pouvais lire trois heures d'affilée sans être requise par une chose à faire. J'avais acheté le livre quelques mois plus tôt, mais restais incapable de le commencer. Après certaines journées de travail, plus abrutissantes nerveusement que satisfaisantes intellectuellement, il est impossible de retrouver la concentration nécessaire à ce genre de lecture. A ce moment-là, et non pendant les vacances, un roman facile et divertissant est bienvenu... ou regarder un film ! </span></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: Cambria;">Quant aux conséquences d’une maternité toute neuve sur mes lectures, je constate qu’elles sont plus discontinues, moins rapides et qu’elles s'étendent donc sur plus de temps : ce peut être aussi une chance de mieux lire !</span></p>http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2016-Delphine-de-Vigan%2C-Dapres-une-histoire-vraie#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/792009 - John Steinbeck, Tortilla Flaturn:md5:fcbd981555b32f85b9f03fa3354faa692016-06-30T12:20:00+02:002021-03-26T12:41:41+01:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteAlbert CosseryFlaubertGontcharovJohn Kennedy TooleJohn Steinbeckles frères CoenLittérature américaineZola<p><a title="tortilla_flat" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/.tortilla_flat_s.jpg"><img title="tortilla_flat" style="margin: 0 1em 1em 0; float: left;" alt="tortilla_flat" src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/.tortilla_flat_s.jpg" /></a><span style="font-family: Cambria;"><span style="color: rgb(51, 0, 51);">Acheté, lu aussitôt</span></span></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Quand
je tombe amoureuse, j'aime lire les œuvres ou écrivains préférés de
l'être aimé. C'est une manière d'entrer dans son intimité et une
tentative de comprendre ce qui le meut, quelle est la force qui
l'anime. Celui qui deviendrait mon époux me cita, parmi ses œuvres
préférées, <em>Tortilla Flat</em> de Steinbeck. </span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">
De l'écrivain américain, j'avais lu en 1988, à l'âge de quinze ans, <em>A l'Est d'Eden</em>, dont l'évocation m'émeut encore tant je l'avais aimé, quoique le souvenir du roman en lui-même soit vague, et l'année suivante, <em>Les raisins de la colère</em>,
dont je me souviens encore moins. J'en gardais l'image d'un auteur
prenant à bras-le-corps des sujets sérieux, la crise économique de
1929, la misère, la lutte des classes ; une sorte de Zola américain. Mon
futur avait presque honte d'avouer qu'il aimait surtout de cet écrivain
une œuvre mineure et beaucoup plus légère, dont je n'avais jamais
entendu parler, <em>Tortilla Flat</em> ; un peu comme si un lecteur disait que son Zola favori était la nouvelle <em><strong><a title="Coquillages_Chabre" href="https://fr.wikisource.org/wiki/Les_Coquillages_de_M._Chabre" hreflang="fr">Les coquillages de M. Chabre</a></strong></em>*. Il
s'agissait encore de pauvres, certes, mais ils l'étaient moins par
fatalité ou par la violence de l'histoire, que par renoncement : le
renoncement au rêve américain, au travail et à l'énergie que sa
réalisation réclame. Là-bas, ça se dit être un <em>looser</em>. Les personnages de <em>Tortilla Flat </em>ne théorisaient pas leur paresse, ou leur refus de la société, différents en cela d'Ignatius, héros de <em>La conjuration des imbéciles</em> de John Kennedy Toole (lu en 1999) ou d'<strong><a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2001-Ivan-Gontcharov%2C-Oblomov">Oblomov</a></strong>.
Ils se contentaient de vivre conformément à leur désir d'en faire le
moins possible. Ils différaient également des clochards d'Albert Cossery, dont je lus <em>Les hommes oubliés de Dieu</em> en 2006, moins dignes qu'eux, moins orgueilleux aussi.
Je les rapprocherais plutôt d'un héros de cinéma, The
Dude, dans <em>The Big Lebowski</em>
des frères Coen, film vu bien après sa sortie, grâce encore, et c'est
logique, à mon époux. J'en apprenais long sur sa conception de la vie.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Comme The Dude, les héros de <em>Tortilla Flat</em>
vivent en Californie. La misère sous le soleil se prête à des histoires
moins sinistres que dans le Nord, et le socialisme est plus supportable
à Cuba qu'en Russie. Une
bande
de copains plus ou moins clochards se livre à quelques menus trafics
pour avoir de
quoi tenir un jour de plus, de quoi boire encore. L'un d'eux – Dany ? – hérite
d'une maison, sur les hauteurs où la ville garde un air campagnard. C'est la chance inespérée de
réaliser un rêve que partagent beaucoup de groupes d'amis : vivre ensemble et former ce qui paraît être la
communauté idéale. Hélas, même entre amis, la vie de groupe engendre
des dissensions. Dany, que l'héritage rend un peu plus égal que les
autres et désireux d'une vie plus digne avec petite femme et semblant
de travail, est envié par ses compagnons de misère. S'ensuivent
conciliabules, disputes, et conspirations compliquées d'ivresses. Le récit est écrit avec un
humour bienveillant envers des personnages souvent lamentables ;
certaines scènes sont cocasses. Je garde en mémoire l'image de l'un
d'entre eux allant vivre dans un poulailler.</span></p>
<p style="text-align: justify;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Cependant, Steinbeck n'accable pas ses personnages et leur offre des moments de grâce. Alors que la bande d'amis est à l'église pour assister à un mariage ou un enterrement, l'un d'eux, inséparable de son chien qui ne peut entrer dans l'église (je suis peut-être en train de réécrire l'histoire, j'esquisse les contours de l'image que je garde en mémoire), va pendant ce temps marcher avec lui dans la forêt. C'est une forêt de feuillus, aisément pénétrée par la lumière. Ils marchent paisiblement quand le chien s'arrête et regarde. L'homme cherche en vain ce que le chien peut bien regarder ainsi. Il n'y a pas d'autre animal en vue ; d'ailleurs, le chien ne frémit pas, ni ne renifle comme il le ferait en pareil cas. Il est paisible. Il contemple longuement là-bas, dans les arbres. Respectueux, intimidé, le maître fait silence, et se persuade que l'animal est gratifié d'une vision de la Vierge. Il ne se vexe pas de cette préférence pour le chien ; il en est même reconnaissant pour lui. Comme Flaubert, dans <em>Un cœur simple </em>(lu en 1997), nous fait accepter sans ricaner que Félicité mourante voit l'Esprit Saint dans son perroquet, Steinbeck, par-delà le ridicule de la scène, nous communique l'émotion religieuse qui étreint l'homme. Je pensai à l'imagerie de saint François d'Assise parlant aux oiseaux, autant que nous créatures divines. Les plus humbles des hommes ne sont pas oubliés de Dieu – ni des écrivains.<br /></span></p>
* <em><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Pas lue. Mes parents m'en ont raconté la sympathique histoire
d'adultère. <br /></span></em>http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2009-John-Steinbeck%2C-Tortilla-flat#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/782000 - Renaud Camus, Répertoire des délicatesses du français contemporainurn:md5:1453e55debc861087cdb7d70ffb971a62016-06-02T17:18:00+02:002021-03-26T12:43:43+01:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteLangue françaiseLittérature françaisePlatonRenaud Camus<p><a title="delicatesses" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/.delicatesses_s.jpg"><img title="delicatesses" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" alt="delicatesses" src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/.delicatesses_s.jpg" /></a></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Acheté, lu aussitôt.</span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">J'entendis parler de cet ouvrage au moment de son édition en écoutant l'émission <em>Répliques</em>
où Alain Finkielkrault avait invité Renaud Camus à parler de la langue française. J'eus tout de suite envie
de le lire et achetai donc le <em>Répertoire des délicatesses du français contemporain. </em></span>
</p> <p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Mon goût pour la grammaire me fut révélé par mon professeur de français et de latin de troisième qui en était lui-même féru. Ce fut tardivement, néanmoins, après mes
études, que je lus plusieurs ouvrages sur la langue
française,
la grammaire, la ponctuation, les techniques de style. Je crois que
celui de
Renaud Camus fut le premier dans le genre : le travail sur mon <strong><a title="Portrait_Soljenitsyne" hreflang="fr" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/soljenitsyne_un_destin.html">portrait
de
Soljénitsyne</a></strong>, commencé fin 2000, favorisa ce
type de lectures. Cet ouvrage-là, pourtant, avait peu à voir avec l'art
d'écrire, quoiqu'un certain nombre de ses remarques se prête à une
meilleure maîtrise de la syntaxe : je pense notamment à celles sur
l'interrogation indirecte (<em>je me demande ce que cela signifie</em>)
sur lesquelles je reviendrai plus loin. Camus se centre davantage sur
l'usage de la langue, oral autant qu'écrit. Lire un tel ouvrage ouvre
les yeux et affine l'ouïe : les <em>c'est vrai que</em>, les <em>bon appétit</em>, <em>bonne journée</em>, <em>bonne continuation</em> souhaités en continu, l'inattention aux niveaux de langage (<em>le gouvernement a entendu la grogne des profs</em>), l'air débraillé des diminutifs (<em>professeur</em> devenu systématiquement <em>prof, </em>dont la principale qualité, quand il ne grogne pas, est d'être <em>sympa</em>), les prononciations fautives des finales, le tic célinien des redondances nom-pronom ou préposition-pronom (<em>le président, il a raison</em>... <em>c'est de cette situation dont je veux parler</em>....), et enfin l'immonde intrusion du pronom interrogatif dans une phrase indirecte, <em>je me demande qu'est-ce que cela signifie..</em>. : tout dorénavant me sautait aux yeux et aux oreilles tant Camus accrut ma conscience du langage parlé. <br /></span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Me
plut particulièrement le fait que Renaud Camus reliât cet état du
langage à une sociologie, et qu'il n'hésitât pas à parler de classes
sociales. Il prenait ses exemples auprès de l'élite intellectuelle du
pays, qui trahissait par sa langue, quand elle s'exprimait dans ses journaux de référence ou aux
radios d'Etat (médias que lui-même, ajoutait-il, lisait et écoutait), un esprit petit-bourgeois. Il constatait
avec consternation que cet esprit petit-bourgeois avait triomphé dans
la population puisqu'il avait gagné toutes les couches sociales,
jusqu'aux soi-disant cultivées. L'esprit petit-bourgeois était
caractérisé, selon Renaud Camus, par le culte de l'authenticité, de la
spontanéité, la haine de la médiation et celle de la forme, considérée
comme oppressante et hypocrite, un obstacle entre soi et soi : ce qu'il
appelait l'idéologie du "soi-mêmisme". Un
esprit qui hait l'art et la culture, ajouterais-je (je ne sais plus si
Camus l'écrivait) et je tenterai de développer l'idée dans un autre
billet. <br /><br />L'évolution du sens des mots reflète une évolution de
la mentalité générale d'une époque et d'une société. La syntaxe révèle
sa façon de penser. Les fautes commises indiquent, tout autant qu'une
baisse de niveau, la moindre attention portée à la maîtrise de la
langue. On donne la priorité à l'expression spontanée de chacun ; on
accorde moins de temps à la relecture, on accorde moins d'argent à la
correction (dans les journaux ou l'administration par exemple). Les
nouveaux usages se généralisent ; d'abord fautifs par rapport à l'état précédent de la langue, ils s'imposent comme la nouvelle norme. <br /><br />Il
est des raisons de s'en désoler quand le nouvel usage conduit à un
appauvrissement du sens. Des nuances se perdent. Je pense ainsi à
l'évolution du mot <em>fascination</em> qui souffre de ressembler à l'anglais <em>fascination </em>– et frappante est la ressemblance à l'écrit – alors
que le mot en anglais n'a pas l'ambiguïté que porte le mot en français.
Les Français tendent à l'utiliser dans l'unique sens "d'attirance très
forte", comme les Anglais, renonçant à la complexité du mot français
qui exprime un mélange d'attirance et de répulsion ; si bien qu'il est
très courant aujourd'hui de lire <em>un mélange de fascination-répulsion</em> ! Le
pire est encore ailleurs, dans la syntaxe des phrases complexes. Elles
sont plus difficiles à manier : les fautes peuvent être dues à une
maîtrise insuffisante du français ou, momentanément, à l'effet d'une
émotion trop forte qui vient perturber le bon fonctionnement de
l'esprit. Mais il suffit d'écouter régulièrement France Culture, et
depuis ma lecture de Camus, je n'entends qu'elles, pour se rendre à
l'évidence : elles sont le fait de 80 % des intervenants, journalistes,
experts, universitaires et artistes divers... Il s'agit donc d'un
mouvement de fond. Dans le cas de l'interrogation indirecte, les
guillemets sont supprimés et l'interrogation la plus familière
et redondante (<em>qu'est-ce que ?</em>) est intégrée directement à la phrase : <em>Je me suis demandé : "Qu'est-ce que cela signifie ?</em>" devient <em>Je me suis demandé qu'est-ce que cela signifie</em>.
Le locuteur nous met d'office à sa place et nous nous posons la
question avec lui : il nous impose son point de vue, sans distance
subjective, ni temporelle (contrairement au style indirect libre). Il
est remarquable qu'en résultat, le désir de spontanéité et de
permanence du présent s'exprime dans une phrase plus lourde que si l'on
avait employé l'interrogation indirecte. <br />Cette lourdeur se
retrouve dans l'usage de conjonctions de subordination souvent collées
à la préposition du verbe de la principale. Combien de fois entend-on,
toujours sur France Culture, des "Il faut réfléchir <em>à comment</em> utiliser les nouvelles ressources" ou bien "L'artiste nous interroge <em>sur comment</em>
réduire le gaspillage" ? On entend bien, normalement, que les deux
propositions se relient mal : le locuteur a beau les forcer, la
préposition et l'adverbe sont deux pôles chargés identiquement qui se
refusent à toute attache. Un nom au lieu du verbe dans la proposition
subordonnée simplifierait la liaison : "Il faut réfléchir à <em>l'utilisation</em> des nouvelles ressources", "L'artiste nous interroge sur <em>la réduction</em> du gaspillage". Les phrases ne sont pas géniales ; au moins sont-elles fluides. La volonté d'utiliser à tout prix un verbe vient là encore d'une
influence de l'anglais. Récemment, suite au <strong><a title="Portrait_Soljenitsyne" hreflang="fr" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2004-Pierre-Guyotat%2C-Eden-Eden-Eden">billet</a></strong> sur ma lecture de
Guyotat, j'ai pensé ceci : L'élite française veut réformer le pays
pour le rendre conforme au modèle managérial qui domine la
mondialisation. Elle rêve d'action à l'anglo-américaine. Pour commencer
la réalisation de son rêve, elle fait appel aux forces magiques du
langage. Elle emprunte les mots de l'anglais, copie ses néologismes, sa
syntaxe, multiplie les verbes, pour au plus vite <em>acter</em> ses réformes et que celles-ci <em>impactent</em>
la société française. Mais on l'entend dans la langue : cet usage censé
dynamiser la phrase la rend balourde, molle et sans rythme. Trente ans
que la copie ne prend pas. Il est urgent de changer, d'agir, dit-on,
mais tout n'est que vaine agitation : comme sa langue, la France
malmenée s'embourbe et s'immobilise dans des soubresauts pathétiques. <br /><br />Pour revenir au <em>Répertoire des délicatesses du français contemporain</em>, c'est là – ou dans l'émission de Finkielkrault qui lui était consacrée – que j'entendis parler de ce dialogue de Platon, <em>Cratyle</em>,
où l'on discute de la nature des mots. Le mot est-il un signe
arbitraire choisi par convention pour désigner une chose, et donc
ayant une histoire, ou bien est-il intrinsèquement lié à la chose,
l'étymologie donnant sa vérité (l'opinion de Cratyle) ? Camus concluait
que la première opinion était la plus rationnelle, mais montrait un
penchant pour celle de Cratyle. Son <em>Répertoire</em>
est pourtant passionnant en cela qu'il révèle, par l'étude de l'usage
actuel de la langue, l'état spirituel de la société française. Il est
donc aussi anti-cratylien. C'est cet équilibre entre deux tendances
opposées de Camus, ce dialogue qu'il mène tout au long des pages du <em>Répertoire</em>, qui fait toute la valeur de cet ouvrage qui est grande car il nourrit la réflexion des années après sa lecture.
</span></p>http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2000-Renaud-Camus%2C-R%C3%A9pertoire-des-d%C3%A9licatesses-du-fran%C3%A7ais-contemporain#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/772004 - Pierre Guyotat, Eden, Eden, Edenurn:md5:ea3d169e7b795b24a861f58bcb2b67e52016-05-12T12:31:00+02:002021-03-26T12:45:13+01:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteAndreï PlatonovClaude SimonGeorges NivatLectures interrompuesLittérature françaisePierre GuyotatProust<p><a title="Eden" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/.Eden_s.jpg"><img title="Eden" style="margin: 0 1em 1em 0; float: left;" alt="Eden" src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/.Eden_s.jpg" /></a><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Emprunté à la bibliothèque, lu partiellement.</span></p>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Cette
lecture ne fut pas notée dans le cahier car je ne lus qu'une
cinquantaine de pages du récit. Je considérais, en effet,
que je ne pouvais compter comme lu qu'un livre dont j'avais
tourné toutes les pages ; et longtemps je m'obligeai à
terminer tout livre commencé, même s'il ne me plaisait
pas. Je me sens maintenant plus libre d'abandonner une lecture si je
constate que l'œuvre est mauvaise, que je n'accroche pas du tout à l'œuvre, ou que j'en suis vite rassasiée comme ce fut le cas pour <em>Eden, Eden, Eden.</em>
</span> <p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">J'empruntai
ce livre par curiosité, parce qu'un jour dans la librairie
Gibert Joseph du boulevard Saint-Michel où j'aimais
flâner, un homme âgé, me voyant feuilleter <em>Tombeau pour 500 000 soldats</em>
du même Pierre Guyotat, m'objurgua, d'une voix aux accents
suppliants, de ne surtout pas lire ce livre, ajoutant avant de
s'éloigner que personne ne devait lire ça et encore moins
une jeune femme. Je ne sais combien de temps exactement s'écoula
mais quand je vis le nom de l'écrivain à la
bibliothèque du centre culturel français de Moscou, la
demande de l'inconnu me fit tendre la main vers l'un de ses livres ; ce ne fut toutefois
pas le<em> Tombeau pour 500 000 soldats</em> mais <em>Eden, Eden, Eden</em> que je pris, comme pour accéder, très symboliquement, à la
demande car il n'aurait certainement pas approuvé ce choix ! </span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Le deuxième ouvrage a été
censuré comme le premier malgré, expliquait la
quatrième de couverture, le nom des préfaciers, Leiris, Barthes et Sollers. (Je lis sur
l'internet qu'il a été interdit à l'affichage et
aux mineurs une dizaine d'années, jusqu'en 1981.) Les deux ont pour cadre la guerre d'Algérie, que l'auteur fit et
pendant laquelle il fut emprisonné quelques mois entre autres
pour "atteinte au moral de l'armée". Ce n'était donc pas
une lecture pour les soldats non plus ! Il ne s'agit pas de pamphlets
pourtant, et dans mon souvenir, rien n'était dit sur les
événements en eux-mêmes. Leur
réalisme à longue focale écrasait toute
perspective,
ne scrutant des personnages et de leurs actions que le corps, sa peau,
ses nerfs et ses productions. Je ne pourrais donner aucun
résumé d'<em>Eden, Eden, Eden</em> : je ne suis même pas sûre qu'il y
eût des noms. Je me souviens de la fournaise d'une zone, de sa
crasse, de blessures, de baise et de matières en tout genre, le
tout charrié par une prose lyrique, qui ne
manquait pas de beautés ni de souffle, ce qui me permit de
suivre pendant quelques dizaines de pages, avant définitivement
de m'embourber.
Il ne semblait pas qu'aller plus loin dans l'œuvre apportât autre chose que la répétition : j'avais goûté, cela me suffisait.
Je ne me souviens précisément que d'une
expression, qui désigner le sexe de l'homme : "l'amas sexuel".
La métaphore de l'amas, le tas de chair qu'elle évoque,
donne une idée du style de Guyotat, son matérialisme lyrique.
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><br /><br />Ce matérialisme lyrique me rappela alors, et aujourd'hui encore, le style de l'écrivain
soviétique Andreï Platonov, auteur notamment de <em>Tchevengour</em>, lu en 2000. Le slaviste Georges Nivat trouva la bonne expression à son sujet, parlant de "pâte langagière" (lue en 2001 dans son recueil d'études <em>Russie-Europe, la fin d'un schisme</em>). J'avais la même sensation de devoir marcher dans de la vase, qu'à chaque pas je devais lutter contre l'abandon de la lecture. Au moins chez Platonov étais-je en empathie avec les personnages, utopistes en quête d'un paradis sur terre qui s'embourbaient aussi bien que moi ; les êtres qui peuplent la prose de Guyotat, eux, m'étaient plus étrangers qui dans la douleur et la boue jouissent. <br /><br />Sans qu'il y ait cette correspondance entre le style et le thème, d'autres textes m'ont procuré une sensation identique d'entrer dans un monde compact, où les phrases s'épaississent ainsi que des cloisons et où le sens se cherche avec tant d'effort que le plaisir est absent. Certains démentent leurs titres prometteurs de légèreté : je pense à <em>L'Herbe </em>et au<em> Vent</em> de Claude Simon, lus en 2006, qui à la longue m'étouffèrent. Je suppose que <strong><a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/1992-1997-Marcel-Proust%2C-A-la-recherche-du-temps-perdu">Proust</a></strong> pourrait être rangé parmi ces auteurs dont l'accès à l'</span></span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">œ</span>uvre doit être forcé. Il est vrai que je mis du temps à apprécier Proust. Mais on trouve chez lui une lumière qui aide le lecteur à trouver son chemin : l'humour, dont sont dépourvus les autres écrivains. Outre que Proust invente des personnages aussi mémorables que ceux de Balzac, il les fait jouer dans une comédie sociale où le décalage entre les convenances et le désir, le moi et le paraître, est subtilement rehaussé dans les discours. La prose de Proust n'est pas univoque, elle intègre bien d'autres voix. C'est sans doute ce qui me gêna le plus dans Guyotat ou Simon, être immergée trop longuement dans le flux d'une voix unique. J'aurais été plus réceptive s'ils avaient écrits dans de petits formats.<br />
</span></span></p>http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2004-Pierre-Guyotat%2C-Eden-Eden-Eden#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/761998 - Louis-Ferdinand Céline, Bagatelles pour un massacreurn:md5:598f670f2f7ded20196200c9df49dc5a2016-04-19T10:06:00+02:002021-03-26T12:47:31+01:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteCélineGideLittérature politiquePhilippe SollersPierre Guyotat<p><br /><img title="Bagatelles" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" alt="Bagatelles" src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/.Bagatelles_s.jpg" <="" span="" /><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Acheté, lu aussitôt, et revendu.</span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Je
n'aime pas qu'on m'offre des livres ou qu'on tente de me convaincre
qu'il faut absolument lire tel ouvrage ; à l'inverse, il suffit
qu'on m'en déconseille un avec des arguments moraux ou
politiques pour que ma curiosité soit éveillée et
que j'y aille voir de plus près. L'avertissement peut venir d'un
inconnu dans une librairie qui, me voyant feuilleter un roman de <strong><a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2004-Pierre-Guyotat%2C-Eden-Eden-Eden">Pierre
Guyotat</a></strong>, <em>Tombeau pour 500 000 soldats</em>,
m'objurgua de ne surtout pas le lire, ou d'intellectuels dans les
médias prévenant contre les écrivains peuplant
l'Enfer contemporain : les proto-nazis (Spengler), les fascistes
(Julius Evola), les antisémites (Céline). Ajoutons les
pédophiles (Matzneff) et le tableau sera complet.</span></p> <span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Pour Céline, cependant, ce fut l'inverse. </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Je
connaissais l'existence de ses pamphlets antisémites mais, comme ils n'étaient pas
aisément disponibles, il fallait vraiment avoir envie de les lire pour
en trouver un exemplaire, et malgré leur halo sulfureux je n'avais pas cette envie.</span> Jusqu'alors</span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">, j'avais lu ses romans les plus célèbres, <em>Voyage au bout de la nuit</em> en 1991 et <em>Mort à crédit</em> en 1998.
C'est cette même année, il me semble, que je fus incitée </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">par l'écrivain Philippe Sollers </span>à lire les pamphlets. Il invitait les auditeurs de l'émission <em>Répliques</em> à le faire, car
nulle part ailleurs que dans Céline on ne prenait autant conscience du caractère
passionnel et de l'imbécillité de l'antisémitisme.</span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"> Une
personne qui m'était chère tenait en ce temps-là
des propos antisémites ; ses propos se prétendaient
rationnels, fondés sur des expériences vécues et
un savoir étayé. La virulence avec laquelle les arguments
étaient assénés m'avertissait que, sous le manteau
de la rationalité, couvaient des
sentiments profonds, et m'invitait à la méfiance. Mais je
n'arrivais pas à le lui faire entendre, et restais
impressionnée par des arguments que je n'arrivais pas à
défaire. Ainsi, attirée aussi bien pour une raison noble </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51);"><span style="font-family: Cambria;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">–</span></span></span></span></span> comprendre les ressorts de l'antisémitisme </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51);"><span style="font-family: Cambria;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">–</span></span></span></span></span> que pour une
moins noble mais bien compréhensible </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51);"><span style="font-family: Cambria;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">–</span></span></span></span></span> goûter le fruit
défendu </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51);"><span style="font-family: Cambria;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">–</span></span></span></span></span> , j'allai un dimanche matin au marché du livre
du parc Georges Brassens. Je trouvai à la vente des exemplaires
originaux de <em>Bagatelles pour un massacre </em>et de<em> L'école des cadavres </em>pour
respectivement 700F et 1200F (je retrouve les détails dans mon
journal), fortes sommes qui s'expliquent par l'interdiction de réédition prononcée par la veuve
de l'écrivain. J'hésitai
longuement, mais cet été-là, j'avais un CDD bien
payé, et la curiosité l'emporta : je choisis tout de
même le premier pour son prix inférieur et le libraire me
le laissa à 600F, somme alors plus importante que les 90€ qui les
équivalent nominalement aujourd'hui. </span>
<br /><br /><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Je notai dans mon journal que je lisais au même moment <em>Mort à crédit </em>: je retrouvais le style, la même
tonitruance
désespérée ; et la lecture en était souvent drôle. Il y avait dans le pamphlet au moins un récit qui aurait pu faire partie du roman, un épisode comique qui se passe au siège de la Société des Nations. Céline met en
scène une complicité entre le personnage de Ferdinand
et un bureaucrate juif pour lequel il travaille. En effet, le juif
ne lui cache pas qu'il détient la réalité du
pouvoir, et lui montre sa méthode pour faire passer les
décisions qu'il souhaite prises. Quand les responsables se
réunissent, il attend qu'ils se soient épuisés en
fatuités et vaines discussions et, au moment où la
réunion doit finalement aboutir et des décisions être prises,
glisse un papier où il a noté ce qu'il fallait
faire. Tout heureux de pouvoir sauver la face, les responsables votent le programme inscrit par le juif... Ces pages résument
l'antisémite : la redoutable ruse qu'il
prête aux juifs s'accompagne d'un mépris total pour les
non-juifs, des imbéciles qui, finalement, méritent
d'être pris au piège. On sent chez lui la jouissance de se poser en
tiers, témoin, voire complice, de la manipulation, reconnu </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">par le
juif qui le fascine</span> comme un égal. <br />Le récit est très bon, et si le pamphlet n'avait compté que des récits de ce style, il aurait été d'une grande efficacité... mais il eût fallut que Céline se maîtrisât. Or le reste est plein d'imprécations et d'insultes, </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">de "youtres" et de "youpins", </span>qui
reprennent à la puissance dix les clichés antisémites, les juifs maîtres du monde, les capitalistes à Wall Street, les internationalistes à Moscou. Ecrivain, il dénonce l'esprit enjuivé des lettres françaises et s'attaque à Proust </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51);"><span style="font-family: Cambria;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">–</span></span></span></span></span>
encore une fois, l'égal qui fascine. Je reconnus la vérité de ce
qu'avait dit Sollers, les imprécations céliniennes balayaient la façade
rationaliste des discours antisémites et révélaient leur nature
obsessionnelle : il était impossible pour Céline de se maîtriser. Je défis quiconque d'être convaincu par une telle lecture !<br /><br />Les seules autres pages littéraires émergeant du pamphlet et
dans mon souvenir sont le récit d'un séjour de Céline à Léningrad,
entrepris au début des années trente. On cite souvent le <em>Retour d'URSS </em>de
Gide comme exemple d'un récit d'écrivain lucide sur l'Union soviétique,
mais ces pages de Céline sont supérieures (je l'écris sans avoir lu le
Gide). Supérieures littérairement : j'ai encore en tête l'image de son
arrivée par bateau sur la Néva en pleine débâcle entre les quais de la
ville, tableau presque aussi marquant que celui de son arrivée à New
York dans <em>Voyage au bout de la nuit</em>.
Et supérieures par leur vérité : contrairement à Gide, il n'a personne à épargner, aussi fait-il le récit sincère de ses visites dans la ville, accompagné d'une traductrice
dont il comprend tout de suite qu'elle est chargée de le surveiller
pour la police politique. Il voit la misère, il sent l'atmosphère de peur, et il l'écrit. J'aimerais que ce récit
fasse l'objet d'une édition séparée car il le mérite.</span>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><br /><br />Je fus contente d'avoir lu <em>Bagatelles pour un massacre </em>mais
ne souhaitai pas le conserver dans ma bibliothèque. Je le revendis à un
bouquiniste qui, après avoir vérifié son authenticité, m'en proposa le
prix auquel je l'avais payé. La transaction se fit toute en discrétion
et espèces. <br /><br /></span>http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/1998-Louis-Ferdinand-C%C3%A9line%2C-Bagatelles-pour-un-massacre#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/752015 - Marie Darrieussecq, Le bébéurn:md5:087a0816becfd6a600785ae83d2273b02016-03-30T17:00:00+02:002021-12-15T11:18:14+01:00Véronique HallereauLectures d'âge adulteDonald WinnicottEric NaulleauLittérature françaiseMarie DarrieussecqNorbert EliasPierre Jourde<p><a title="Le_bébé" href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/Le_b%C3%A9b%C3%A9.jpg"><img title="Le_bébé" style="float: left; margin: 0 1em 1em 0;" alt="Le_bébé" src="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/lemaillage/public/Couvertures/Le_b%C3%A9b%C3%A9.jpg" /></a></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Emprunté à la bibliothèque, lu aussitôt. <br />
<br />
</span>
<span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Je clos la série de billets sur le thème de l'accouchement, promis, avec le récit de Marie Darrieussecq, <em>Le bébé</em>, qu'elle écrivit suite à la naissance de son premier enfant et
que je lus avant d'accoucher. J'écris ce billet également
avant, mais comme il sera publié après, je serai sans doute tentée d'écrire un paragraphe en plus à partir de mon nouvel état de mère. </span></p> <p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">
Je lus au printemps 1998 le premier roman de Marie Darrieussecq, <em>Truismes</em>,
à un moment où je voulais découvrir la
littérature française contemporaine et que j'empruntais à la bibliothèque municipale les livres qui
avaient fait la une des suppléments littéraires. <em>Truismes </em>avait été comparé à<em> La métamorphose</em>
de Kafka, sous prétexte que le personnage principal se
métamorphosait en truie. Rapprocher ainsi un roman d'un chef
d'</span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">œ</span></span></span>uvre est le moyen le plus efficace pour le rabaisser... Heureusement pour <em>Truismes</em>, je l'avais lu juste après <em>Sa femme</em>
d'Emmanuèle Bernheim, dont la platitude lui servit de petit piédestal : au moins la part fantastique de l'histoire
permettait d'échapper au réalisme terre à terre du
précédent. Pour le reste, si j'eus un certain plaisir de
lecture, je fus très agacée par le personnage
féminin, victime presque consentante à force de
bêtise, et terminai le roman dubitative quant à la nature
de son propos et la nécessité de son écriture.<br />
<br />
Peu après, je commençai son deuxième roman, <em>Naissance des fantômes</em>,
livre plus ambitieux que le précédent, que je ne parvins
pas à terminer. Et j'arrêtai là ma lecture de cet
écrivain. Par la suite, le chapitre que Pierre Jourde lui
consacra dans la parodie de manuel de littérature qu'il
écrivit avec Eric Naulleau (<em>Le Jourde & Naulleau, précis de littérature du XXIème siècle</em>, lu en 2008) ne m'incita pas à rouvrir un livre de Darrieussecq. Jourde se moquait du <em>Bébé</em>,
de l'abondance d'onomatopées, de mots infantiles et de descriptions
scatologiques qui n'apportait rien à la littérature. Et si je n'étais
pas tombée enceinte, je serais certainement restée sur ce jugement.
Mais pour cette raison existentielle, j'eus envie de lire <em>Le bébé, </em>et jugeai par moi-même. <br /></span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Concernant
la langue, je ne serai pas aussi sévère que Jourde. Le langage-bébé
n'est pas aussi présent qu'il l'affirme ni, et heureusement, les
descriptions physiologiques. Le livre se présente
comme une série de notes faites au cours de la première année de
l'enfant, notes courtes car, ainsi que Darrieussecq l'écrit dans l'une
d'elles, c'est le bébé qui donne le tempo, et il impose un rythme de
vie discontinu à ses parents. La plupart des notes consistent en des
observations du nouveau-né, des interrogations sur ce qu'il est, sur ce qu'il semble savoir de plus. Elles montrent l'étonnement des adultes
vis-à-vis de l'inconnu qu'ils ont mis au monde. D'autres présentent
quelques réflexions sur l'absence de personnage de bébé dans la
littérature, ou attestent de lectures psychanalytiques. Le tout se lit
plaisamment, mais je terminai le livre en étant restée sur ma faim.
Encore une fois, lisant le livre d'un </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Français contemporain,
l'impression que le sujet avait été effleuré et que la réflexion n'avait pas été menée assez loin. Darrieussecq aurait dû
attendre que le bébé soit à la crèche et passer plus de temps sur son ouvrage !</span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">L'auteur
d'une critique de ce livre s'étonnait que le bébé n'ait pas de prénom.
Il a certes quelques caractéristiques : c'est un garçon, sa mère est
écrivain, une partie de sa famille est basque. Pour le reste, il est
"le bébé" semblable en ses particularités à tous les autres bébés, et
c'est bien ainsi que Darrieussecq l'a voulu. Il ne peut donc être un
personnage, un bébé étant très peu individualisé. Réfléchissant aux
titres de ses autres romans, qui parlent de fantômes, de vagues, de
blanc, et au thème de <em>Truismes</em>, la métamorphose, je me dis que <em>Le bébé</em>
s'inscrivait parfaitement dans le projet littéraire de Darrieussecq,
tenter de saisir l'informe, les premières manifestations d'une forme, le
passage d'une forme à une autre. C'est très clair dans cette phrase que
je notai tant elle me plut : </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">"Son visage flottant ne s'incarne que dans les émotions." Le bébé est, tour à tour, "la colère", "la joie", "la tristesse", "l'étonnement"... </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Je me la prononce souvent quand je regarde le visage de mon enfant. </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Le bébé
est une présence en creux, qui appelle le déversement des parents,
déversement d'amour, de rêves, de regrets autant que de lait. Il est une présence qui
oblige à être constamment présent, un regard auquel on ne peut se
dérober tant il reflète ce qu'on y projette. Mais
sa présence renvoie à la solitude : la solitude propre à la
responsabilité, quand on doit prendre des décisions sans toujours bien savoir
pourquoi on les prend. Il fait éprouver le vertige de la toute-puissance
puisqu'il dépend entièrement de nous, et celui de l'impuissance, à
comprendre ses pleurs et à soulager ses souffrances. On progresse quand
on a compris qu'aucune réponse n'était infaillible : ce qui a satisfait
un jour ne satisfera pas le lendemain. Le bébé confirme ce que disait le
pédiatre et psychanalyste Winnicott, cité par Darrieussecq et dont je
lus pendant ma grossesse <em>Le bébé et sa mère</em>, que non, sa mère n'est pas la déesse mère, ni une mauvaise mère, mais "une mère ordinaire
normalement dévouée", dont les maladresses peuvent se rattraper.</span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Depuis que je suis devenue mère, <em>Le bébé </em>de Darrieussecq m'incite à suivre mes propres réflexions. Peut-être certaines sont-elles la reprise inconsciente de remarques lues dans son livre. Pour les autres, le bébé renvoyant les parents à leurs préoccupations, i</span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">l ne me renvoie pas aux fantômes qu'affectionne Darrieussecq, mais à la question du <strong><a href="http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2014-Fran%C3%A7ois-Jullien%2C-Du-temps-%282%29">temps</a></strong>. D'un côté,</span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"> il
dispose de mon emploi du temps, m'empêche de rêvasser comme
d'entreprendre une tâche d'envergure ; il me permet de me concentrer uniquement sur les choses qui le
concernent. Quand j'ai finalement du temps, son caractère impromptu le rend indisponible : je sais seulement après coup que j'ai eu quatre heures pour moi mais
sur le moment, j'ai passé chacune d'elle à attendre que le bébé ait
besoin de moi. D'un autre côté, il m'a aidée à comprendre la seule lecture entreprise depuis le début de l'année, depuis l'accouchement : <em>Du temps </em>de Norbert Elias. Elias insiste sur la nature sociale du temps : parce que nous vivons en société, nous devons synchroniser nos activités avec celles des autres. Le bébé fait ressentir de manière aiguë qu'une expression telle que "avoir le temps de" signifie avoir réussi à synchroniser notre rythme, qu'il soit métabolique ou celui de nos activités, avec les rythmes de nos congénères. Lorsque de surcroît on est calé sur le rythme vital d'un bébé, synchroniser ce rythme-là, si peu prévisible (au moins au début), avec les contraintes horaires sociales nécessite une grande organisation, ainsi qu'une bonne dose de laisser-aller pour surmonter l'impatience, la fatigue nerveuse et physique qui en résultent. (Il faut imaginer une randonnée pendant laquelle on devrait marcher au pas irrégulier et indiscutable d'un autre.) Le bébé me fait éprouver
comme personne que le temps est un processus ; que chaque jour est une
répétition différente du précédent et qu'ainsi évoluent les choses. </span></span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;"><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Il
me fait comprendre nos angoisses fondamentales et la nécessité des
rituels pour avoir prise sur les événements et ainsi se rassurer</span></span>. </span></p>
<p><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">Enfin, en lui </span><span style="color: rgb(51, 0, 51); font-family: "Cambria","serif"; font-size: 9pt;">apparaissent simultanément notre passé et notre avenir lointains puisqu'il nous amène à nous poser la question des croyances
et de notre volonté de transmettre ce que nous avons nous-mêmes reçu, et appris ; il nous oblige à penser à notre mort puisque, si tout va bien, s'il ne
meurt pas avant nous ou coupe les liens avec nous, il est celui qui nous enterrera et transmettra à son tour l'héritage. </span></p>http://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/post/2015-Marie-Darrieussecq%2C-Le-b%C3%A9b%C3%A9#comment-formhttp://lemaillagedeslectures.vhallereau.net/dotclear/index.php/feed/atom/comments/73